"Revenge is never a straight line. It's a forest, And like a forest it's easy to lose your way..."

My sad Night, Ost de A Bittersweet life.


Éclatant de maîtrise technique, A bittersweet life pare un sujet simple – mais non simpliste– du plus bel apparat, à l'image de sa scène d'introduction réglée au millimètre, véritable leçon de cinéma, de mise en scène. Kim Jee-woon brille derrière la caméra et parviens à délivrer un film à la saveur unique. Quelques facilités d'écriture font tiquer l'esprit pointilleux, mais qu'importe, on se trouve balayé, emporté dans un film à l'ambiance si particulière qui revisite intelligemment les poncifs du film de vengeance en milieu mafieux.


Sun-woo incarné par Lee Byung-hun, bras droit de Mr. Kang, est un homme de contrôle, froid, implacable. Chaque instant de sa vie minuté, réglé comme un métronome, il dirige un hôtel de haut standing pour le compte de son patron. Ce dernier, méfiant à l'égard de sa maîtresse, charge Sun-Woo de la surveiller. Sous le charme de la jeune femme, il ne peut se résoudre à dénoncer ses écarts de conduite, faute grave qui conduiront son patron à le rejeter, à le faire torturer. S'échappant, il jure de se venger en tuant les anciens membres de son clan ainsi que l'homme qui l'a cruellement trahi.


Implacable, A bittersweet life fait figure de cas d'école en matière de film de gangsters et de vengeance. Mais au travers de son œuvre, c'est moins ladite vengeance que l'accomplissement de Sun-Woo qui m'a frappé.
Ce personnage surhumain, qui distribue tartes et mandales par grappe de dix dans des scènes magnifiquement chorégraphiées, personnage si peu vivant et qui se réchauffe au contact de la jeune Min-gi. A ce titre, on ne peut qu'être subjuguer par le jeu de Lee Byung-hun, ses sourires empruntées lorsqu'il voit la jeune femme. Cet acteur à le don de véhiculer énormément d'émotion par le biais d'un regard, d'un pli soucieux, légères fissures dans le masque impénétrable qu'est son visage.


J'ai pu souvent lire que relation entre Sun-Woo et Min-gi aurait pu bénéficier d'un traitement plus large, je m'inscris en faux. La rencontre entre cet automate froid et maniaque et celle qui causera sa chute est symptomatique de la dynamique qui régira leurs rapports tout au long du film. Celle d'un homme subjugué par une femme au charme éthérée, dont la pureté contraste avec son monde aussi minutieusement réglé qu'incroyablement morne. Ce n'est pas la relation amoureuse qui est développée ici mais le déclic que cela produit sur Sung-Woo, l'humanité que lui apporte cette présence, cette jeune femme qu'il se contente de contempler de loin, subjugué, l'air béat. Plus qu'un simple amour - qui aurait beaucoup perdu à être traiter plus en profondeur - Min-gi symbolise cette vie qu'il rêve sans pouvoir l'atteindre...



J'ai fait un très beau rêve.
"Pourquoi donc pleures-tu ?" Le jeune disciple lui répondit à voix basse, en essuyant ses larmes :
"Car je ne pourrai jamais réaliser ce rêve."



Occulter la violence serait absolument stupide de ma part, et A bittersweet life est naturellement généreux en torture, membres brisés, combats stylisés et hémoglobine dégoulinante. Scènes de combats au corps à corps esthétisée, ruades acharnées de Sun-Woo - le combat fort bien filmé à coup de brandons enflammés m'a fait beaucoup de bien à mon cinéma- font place à des instants de gunfights aussi beaux que sanglants. Pinacle de ce film, l'ultime fusillade au sommet de l'hôtel, dans le lounge fort bien nommée La Dolce Vita.


Mais le film sait aussi poser son ambiance, alternant entre rythme lent et déchaînement de violence avec une aisance rare. Filmant la déchéance et la chute de son héros, Kim Jee-woon offre une réelle profondeur à cet homme d'une innocence surprenante au vue de son métier, un homme trahi et blessé bien incapable de comprendre ce qui lui arrive. Il ponctue avec intelligence cette plongée dramatique d'intermèdes drolatiques, désamorçant l'ambiance pesante. On pense immédiatement à l'absurde confrontation de Sun-Woo avec les marchands d'armes loufoques, qu'il rencontre au milieu d'une décharge désertique. Moment de lumière intense, environnement écrasé sous un soleil de plomb contrastant avec la nuit boueuse et pluvieuse des scènes précédentes. Et que dire de ce démontage de revolver grotesque qui insiste intelligemment sur la répugnance de notre héros combattant pour des armes à feu qu'il ne maîtrise pas.


Monument du film de vengeance, doté d'une ambiance unique et d'une bande-son à tomber par terre, je suis passé près de lui donner la note maximale, ne serait sans ces petites facilités scénaristiques maladroites qui m'ont légèrement fait tiquer.

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le 19 mai 2015

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Petitbarbu

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