--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au dix-neuvième épisode de la quatrième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_2_King_Crocs/2478265
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
Le mois monstre joue les prolongations cette année. Après un Halloween très très humain et complètement hors-sujet, j’ai ressenti le besoin de me replonger dans la thématique des suceurs de sang. Il faut dire que ni mon contentieux avec eux, ni leur démonstration de force à la Cinémathèque n’ont trouvé d’issue à la fin Octobre. Nos ambassadeurs sont désormais tous arrivés à destination, et la majorité ont délivré leur message… Ou périt. La nouvelle est tombée hier, c’est certainement pour cela que j’ai eu besoin de me focaliser à nouveau sur cette obsession saine. La reine doit me chercher en ce moment même, pour me défier, comme la fatalité nous l’impose. Je n’ai pas envie de me battre contre elle, et surtout, comme ça ne m’étais pas arrivée depuis très longtemps, j’ai peur. Sa force est à peu près égale à la mienne, et l’issue du combat m’apparaît très incertaine. Alors pour me rassurer plus que par réelle nécessité, j’ai regardé *A Girl Walks Home Alone At Night*, pour tenter d’en savoir encore un peu plus sur mon ennemi.
Quel film formidable. Le sentiment général qui m’a frappée est cette impression déstabilisante à la fin du film d’avoir regardé un court-métrage. Je ne saurais expliquer pourquoi. Le film joue de sa lenteur pourtant, s’éternisant en plans longs, en séquences tout en silences intermittents. Il se passe des choses, les personnages se déchirent, s’aiment, se rencontrent, se quittent, se retrouvent, ça fourmille de sentiments donnant à l’humanité toute sa force. Oui, vraiment, ce film est plein de petites merveilles, et finalement cette impression troublante de durée très réduite n’en est qu’une de plus. Je préfère mille fois quitter un film en en demandant encore, qu’être déjà complètement gavée à peine vingt minutes après le début (*Histoire de ma mort* est officiellement élu meilleur exemple de mauvais film du mois-monstre 2019). Le tout dans un noir & blanc moderne un poil facile, un scope un chouia racoleur, et orienté autours de personnages un tantinet grossiers. Qu’on me comprenne bien, j’adore l’initiative de ne pas se perdre dans une profusion de personnages secondaires aussi oubliables qu’inutiles, mais quitte à réduire catégoriquement l’action à cinq personnages uniques, on aurait peut-être pu les travailler un peu plus, leur donner des contradictions, de la profondeur et de la réflexion. Qu’on puisse dire « le fils, le père, le dealer, la prostituée et la vamp », et qu’on ai pas besoin d’approfondir plus pour décrire les personnages, je trouve ça dommage. Et le chat. Pardon, j’oubliais le chat. Alors pourquoi je reste dithyrambique, malgré ce défaut qui a tout d’un défaut majeur ? Parce qu’il ne l’est pas. Un autre petit miracle de ce film est de ne pas avoir besoin de personnages approfondis plus que ça pour raconter une histoire, des relations et des sentiments qui eux sont d’une profondeur vertigineuse. L’histoire se fait tour à tour drôle, triste, poignante ou bizarre, au fur et à mesure que les personnages passent par toute une gamme d’émotions, et tissent leurs destins entre eux dans un canevas aussi sublime que complexe. Et alors que tout semble couler de source, on arrive à cette fin saisissante de questionnements, de qui comprend quoi et de qui réagira comment, alors qu’il l’aime, mais qu’en même temps elle est un monstre, il le sait, elle le sait, et pourtant… Finalement c’est comme une évidence que le générique me révèle l’information qui me manquait : le film est adapté d’une pièce de théâtre. Tout fait sens.
La langueur dans laquelle me laisse ce film m’en fait presque oublier la situation d’alerte dans laquelle je suis. Je me fais violence. Moi aussi la réalité finira par me rattraper, et je devrais tuer pour ma propre survie. Puisque des gens m’aiment encore, je ne peux pas me permettre de mourir. Et d’ailleurs… Je ne dois pas traîner. Si Lycaon apprend que je suis pourchassé par un si gros gabarit, il prendra encore plus peur que moi, et volera à mon secours. Ce serait catastrophique pour notre fragile paix. Les vampires y verraient un affront et une lâcheté que nous nous liguions à deux contre elle. Hors de question de laisser Lycaon m’aider. Mais je le connais, hors de question également de tenter de le raisonner sur ce point. La seule solution est de le prendre de vitesse. Je me suis glissée dans la nuit et ai couru de toutes mes forces vers le danger.