Une nuit jusqu'au bout de l'ennui
Première réalisation de la réalisatrice Ana Lily Amirpour, d'origine Iranienne, née en Angleterre et vivant aux états-unis. Une femme qui est le fruit de plusieurs cultures, lui permettant d'exprimer sa pensée et sensibilité, sans être muselée. Elle offre une nouvelle variation sur le thème du vampire, plus proche du magnifique "Only Lovers Left Alive" de Jim Jarmusch, que des produits indigents pour teenagers, genre "Twilight".
Le vampire est celle du titre, cette fille qui rentre seule chez elle la nuit. Ce qui est interdit en Iran, pays ou la femme ne peut sortir seule la nuit, comme de jour, et surtout toujours voilée. Ana Lily Amirpour, au travers de cette femme, parle de la condition des femmes iraniennes, du machisme et des discriminations, qu'elles subissent sous diverses formes, aussi bien physiques, que psychologiques. Cette métaphore est intéressante, mais le film ne l'est pas vraiment.
Si le propos, la beauté visuelle et la musique, sont réussis. Les dialogues, sa lenteur et son esthétisme poussé jusqu'à l'overdose, voir jusqu'au bout de l'ennui, affaiblissent l'ensemble.
Le noir et blanc est une valeur sure, il est sublimé par la musique, par ces morceaux pop des années 80, ou dance/techno aux sonorités intemporelles, empêchant aussi de situer le film dans le temps. Peu importe, la femme est sous le joug des hommes depuis des décennies en Iran.
L'histoire se déroule principalement de nuit, dans les rues désertes de cette ville sans nom, proche d'une zone industrielle ou les forages pétroliers n'arrêtent jamais, principale source économique du pays. Cette raffinerie et cette ville étant séparées par une fosse ou les cadavres s'accumulent, victimes du vampire ? De la drogue ? On ne sait pas vraiment, juste que la mort rôde partout.
Cette femme vampire ne s'attaque qu'aux hommes, à ceux qui pêchent, qui maltraitent les femmes, tout en éduquant un enfant, pour qu'il ne devienne pas comme eux et respecte la femme. Puis il y a Arash, un jeune homme respectueux, perdu entre son père drogué et attiré par la fille de ses employeurs, aux mœurs légères. Celui qui va la rendre plus "humaine", celui qui lui redonne foi en l'homme. Sans oublier cette femme trentenaire, qui arpente les rues de nuit, en vendant son corps, rêvant d'un ailleurs meilleur.
La forme captive l'attention, mais lasse doucement, face à la platitude des dialogues, énoncé avec tout autant de mollesse, ralentissant encore plus, un film prenant déjà tout son temps et s'offrant des moments de lyrisme, certes beau, mais ennuyeux. Cela devient répétitif, toujours le même procédé : la nuit, une personne marche seule, la vampire apparaît, donc la peur. Le film devenant aussi creux, que ce vent qui souffle en fond, lors des conversations entre Arash et la fille. La musique remplissant les silences, encore et encore.
Arash a un côté Marlon Brando dans son t-shirt blanc et moulant, mais aussi de James Dean au volant de sa voiture flamboyante, sous une musique d'Ennio Morricone, lui donnant furtivement, un côté western. Cela ressemble plus à un exercice de style et même si c'est maîtrisé, cela n'en reste pas moins, une expérience soporifique, allant même jusqu'à éjecter certains spectateurs hors de la salle, bien avant la fin.
On retient le côté symbolique : un film iranien/américain dirigé par une femme et mettant les femmes à l'honneur, en bravant divers interdits. Ce film a le mérite d'exister, c'est déjà une bonne chose. Après on adhère ou pas, c'est toujours une question de goût et pourtant, j'en suis sorti sous le charme de ses femmes aux regards sombres et à la chevelure noire, mais pas sous celui du scénario et de son absence de profondeur.