Dites ces mots : ma vie, et retenez vos larmes...

Une mère vient déposer son jeune fils de douze ans, Hideo, chez un oncle à Tokyo afin d'aller travailler dans une auberge non loin. C'est l'été. Il fait chaud. Et petit à petit le monde du jeune garçon s'écroule. Sans faire de bruit, sans que personne ne parle, ne pleure, ne crie. C'est un vrai drame, mais pas une tragédie.


Naruse choisit de poser son regard sur les choses, sans rien ajouter de plus : ni péripéties, ni morale, ni grands sentiments. Même pas la peine de forcer le trait : il n'y a pas de déments, pas de malchance, pas de méchants. La vie est bien assez brutale de ne rien être particulièrement. Hideo est abandonné à lui même, de plus en plus, parce que c'est comme ça. Et à la fin du film il contemple la vi(ll)e qui s'étend à ses pied, sans rage, sans ressentiment, sans révolte. Parce que c'est comme ça. Ne reste que la conscience d'un désespoir infini face à l'existence qui ne fait que fuir sans le moindre combat.


L'hallucinant dans tout ça c'est l'extrême tristesse, l'extrême poésie et l'extrême vérité qui ressort de cette chronique faite de profil. Très vite on comprend qu'il ne nous est pas demandé, en tant que spectateur, de juger, d'expliquer, de philosopher, d'extérioriser. Pas de message, pas de chantage affectif : on n'est ni chez Kazan ni chez Chaplin. Non, ici la demande est toute d'humilité : juste regarder. S'oublier comme sait se faire oublier Naruse. Se dépouiller de son Moi envahissant. Et vivre, le temps d'un film, au diapason de ces quelques personnages anodins, qui eux semblent se croiser sans se prêter beaucoup d'attention. Bref les aimer, les aimer comme Hideo aime son scarabée : pour rien.

Créée

le 28 juil. 2012

Modifiée

le 28 juil. 2012

Critique lue 1.4K fois

37 j'aime

15 commentaires

Chaiev

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

37
15

D'autres avis sur À l'approche de l'automne

À l'approche de l'automne
Morrinson
7

Des enfants dans le vent

Mikio Naruse est l'auteur d'une petite centaine de films et c'est la première fois que nos chemins se croisent sur le territoire de l'enfance, loin de ses mélodrames les plus réputés qui explorent...

le 20 juil. 2023

2 j'aime

À l'approche de l'automne
YasujiroRilke
7

Critique de À l'approche de l'automne par Yasujirô Rilke

Tandis qu'en 59, sortent "Les 400 coups" et "Bonjour", Naruse s'attèle à l'enfance avec cette très belle oeuvre aux accents néoréaliste. Si la justesse de certains acteurs adultes laissent à désirer,...

le 7 nov. 2021

Du même critique

Rashōmon
Chaiev
8

Mensonges d'une nuit d'été

Curieusement, ça n'a jamais été la coexistence de toutes ces versions différentes d'un même crime qui m'a toujours frappé dans Rashomon (finalement beaucoup moins troublante que les ambiguïtés des...

le 24 janv. 2011

287 j'aime

24

The Grand Budapest Hotel
Chaiev
10

Le coup de grâce

Si la vie était bien faite, Wes Anderson se ferait écraser demain par un bus. Ou bien recevrait sur le crâne une bûche tombée d’on ne sait où qui lui ferait perdre à la fois la mémoire et l’envie de...

le 27 févr. 2014

270 j'aime

36

Spring Breakers
Chaiev
5

Une saison en enfer

Est-ce par goût de la contradiction, Harmony, que tes films sont si discordants ? Ton dernier opus, comme d'habitude, grince de toute part. L'accord parfait ne t'intéresse pas, on dirait que tu...

le 9 mars 2013

244 j'aime

74