Une mère vient déposer son jeune fils de douze ans, Hideo, chez un oncle à Tokyo afin d'aller travailler dans une auberge non loin. C'est l'été. Il fait chaud. Et petit à petit le monde du jeune garçon s'écroule. Sans faire de bruit, sans que personne ne parle, ne pleure, ne crie. C'est un vrai drame, mais pas une tragédie.
Naruse choisit de poser son regard sur les choses, sans rien ajouter de plus : ni péripéties, ni morale, ni grands sentiments. Même pas la peine de forcer le trait : il n'y a pas de déments, pas de malchance, pas de méchants. La vie est bien assez brutale de ne rien être particulièrement. Hideo est abandonné à lui même, de plus en plus, parce que c'est comme ça. Et à la fin du film il contemple la vi(ll)e qui s'étend à ses pied, sans rage, sans ressentiment, sans révolte. Parce que c'est comme ça. Ne reste que la conscience d'un désespoir infini face à l'existence qui ne fait que fuir sans le moindre combat.
L'hallucinant dans tout ça c'est l'extrême tristesse, l'extrême poésie et l'extrême vérité qui ressort de cette chronique faite de profil. Très vite on comprend qu'il ne nous est pas demandé, en tant que spectateur, de juger, d'expliquer, de philosopher, d'extérioriser. Pas de message, pas de chantage affectif : on n'est ni chez Kazan ni chez Chaplin. Non, ici la demande est toute d'humilité : juste regarder. S'oublier comme sait se faire oublier Naruse. Se dépouiller de son Moi envahissant. Et vivre, le temps d'un film, au diapason de ces quelques personnages anodins, qui eux semblent se croiser sans se prêter beaucoup d'attention. Bref les aimer, les aimer comme Hideo aime son scarabée : pour rien.