Afin de renflouer les caisses de leur couple, Lord et Lady Rhyall (Cary Grant et Deborah Kerr) ont ouvert leur château au public. Un jour, un touriste américain, Charles Delacro (Robert Mitchum) s’aventure par curiosité dans la partie privée de la demeure, et tombe immédiatement amoureux de Lady Rhyall. Seulement, Lord Rhyall sait rapidement que sa femme s’est entichée d’un autre. Lady Rhyall, elle, sait que son mari sait. Quant à Delacro, il sait non seulement que Lord Rhyall sait, mais également que Rhyall sait que Delacro sait qu’il sait… Ajoutez à cela une amie de Lady Rhyall, Hattie (Jean Simmons), amoureuse de Lord Rhyall, qui sait que tout le monde sait, mais que personne n’ose se l’avouer, et vous obtenez un cocktail aussi étonnant que détonnant. Surtout quand, afin de tenter de récupérer sa femme en douceur, Lord Rhyall décide d’inviter Delacro pour le week-end, et de lui prouver que Lady Rhyall est plus attachée à son mari qu’elle ne s'en rend compte elle-même…
A chaque film que l’on découvre de Stanley Donen, on se rend compte à quel point il fut un grand parmi les grands. Chacun de ses films (Chantons sous la pluie, Charade, Arabesque…) témoigne d’un art cinématographique consommé, sans doute due à ses origines de danseur qui lui valurent de commencer le cinéma par la comédie musicale, genre particulièrement exigeant s’il en est, et qui demande une extrême coordination.
Cet art consommé, on le retrouve à nouveau dans Ailleurs, l’herbe est toujours plus verte, vaudeville de haute tenue, qui déclenche l’hilarité dès la première image d’un générique génial signé Maurice Binder (un monsieur bien connu de tous les fans de James Bond), une hilarité régulièrement entretenue durant le film (culminant dans une scène irrésistible qui utilise le split screen de manière assez inédite et terriblement jouissive). Porté par un casting parfait, où l’on retrouve quatre immenses acteurs au sommet de leur art, le scénario du film de Donen, adapté d’une pièce de Hugh et Margaret Williams par les auteurs eux-mêmes, déroule tranquillement une mécanique dont la simplicité ne met que plus en évidence la redoutable efficacité, d’autant qu’il en profite pour dresser un portrait aussi discret que profond du mariage.
Il n’y a certes pas grand-chose d’original dans cette histoire de mari trompé qui essaye de reconquérir sa femme. Seulement, ce postulat déjà vu et revu permet aux auteurs de se concentrer sur des dialogues dont chaque ligne apparaît toujours plus mémorable que la précédente, en instaurant entre des personnages parfaitement écrit un hilarant jeu de dupes, qui s’appuie habilement sur le choc des modes de vie américain et britannique. Quoique lui-même américain, Stanley Donen parvient à se glisser avec une aisance déconcertante dans le moule britannique de la pièce originale, nous offrant un divertissement aussi élégant que raffiné, qu’un Wodehouse n’aurait pas renié. Une délicieuse pépite à découvrir et redécouvrir sans aucune modération.