La saga Alien fait partie des monuments du cinéma et d’une référence absolue dans le domaine de la science-fiction. Elle comporte son lot d’avis divergents et de débats parmi ses amateurs et n’en finit pas d’influencer la culture populaire ainsi que les multiples dérives cinématographiques, jeux vidéo, bande dessinée de l’univers "Horror/SF". Malgré une saga en montagnes russes et de multiples avis en tout genre, il me semble intéressant de revenir sur la célèbre quadrilogie film par film. À mon sens, ce qui est fondamental à avoir en tête avant de se lancer dans la saga Alien est de comprendre que chacun des quatre films sera une profonde expression de son réalisateur. Nous sommes face à des œuvres ayant été accouchées par de véritables auteurs ayant chacun apporté leur vision et leurs spécificités à la mythologie du xénomorphe.
Cette critique fait suite à celle sur le premier volet que vous retrouverez ici :
Alien :https://www.senscritique.com/film/Alien_Le_8eme_Passager/critique/116712996
Aliens : https://www.senscritique.com/film/Aliens_Le_Retour/critique/116713023
Alien 3 : https://www.senscritique.com/film/Alien_3/critique/116713044


Alien 3 sonnait comme une fin à l'histoire de la franchise et faisait de la saga une trilogie complète. La disparition de son personnage laissait supposer en effet une fin définitive à la série. Cela est sans compter sur la capacité étrange (et discutable) des producteurs hollywoodiens à pouvoir faire revenir tout personnage décédé ou simplement tirer sur de nouveaux épisodes de sagas filmiques. Effectivement un Alien 4 peut questionner de par sa simple utilité, ne serait-ce pas l'épisode de trop ? Le duo de scénaristes Walter Hill/David Giler furent contacté afin de proposer un script, chose qu'ils refusèrent catégoriquement. Pour eux, faire un Alien 4 servirait à ruiner la saga (ils n'aiment d'ailleurs pas le résultat final).


Après plusieurs réalisateurs envisagés comme Danny Boyle ou Peter Jackson et un scénario livré par le jeune Joss Whedon (Buffy, Avengers 1 et 2,...), c'est finalement le français Jean-Pierre Jeunet qui est choisi pour mettre en scène le film. Le choix de Jeunet peut sembler étrange étant donné sa nationalité, il avait cependant prouvé qu'il avait un univers filmique et visuel très personnel avec des oeuvres telles que Delicatessen ou La Cité des enfants perdus. Le cinéaste acceptera le projet y voyant un coup de publicité pour sa carrière (d'autant que le studio comprend qu'ils peuvent posséder un certain contrôle sur le français). Le film reste le seul épisode de la saga à avoir été tourné à la façon d'un blockbuster.


De quoi nous parle le récit de ce quatrième volet ? :
"Deux cents ans après la mort de l'officier Ripley (Sigourney Weaver), une équipe de généticiens la ressuscite en croisant son ADN avec celui d'un alien. Le cauchemar reprend. À bord de la station Auriga, Ripley donne naissance à un fils qui lui est aussitôt enlevé. Prisonnière, elle s'efforce de renouer avec son lointain passé humain. Bientôt un autre vaisseau rejoint l'Auriga. Parmi l'équipage composé de brutes et de mercenaires, Ripley découvre une belle jeune femme, Call (Winona Ryder), avec laquelle elle ne tarde pas à se lier d'amitié."
Je précise que ce qui suit révélera l'intrigue du film et se base sur la version cinéma. Alien : Resurrection est de loin le volet le plus critiqué de la franchise. Est-ce justifié ? C'est ce que nous allons voir.


Il est clair qu'il s'agit du film le plus étrange et discutable de la saga mais en s'y penchant bien, il ne fait que continuer de façon exponentielle ce que chacun des trois réalisateurs précédents avait déjà mis en place. Comme chacun des films, Alien : Resurrection détruit son prédécesseur, Ellen Ripley est en effet ramenée ici à la vie. Là où Alien 3 était beaucoup plus sombre et désespéré, nous sommes face à présent à un long-métrage résolument plus léger et éclairé. En effet plus besoin de cacher les xénomorphes dans l'ombre, le public les connait bien maintenant. Enfin la compagnie semble avoir réussi à lancer une production d'aliens destinés à être étudiés et à servir d'armes biologiques. La créature sera filmée en pleine lumière, parti pris que je défends ici. Nous prenons le point de vue d'humains étudiants les aliens, il est donc logique de démythifier quelque peu ce monstre sacré du cinéma. Jeunet travaille un scénario logique dans la continuité de la saga mais y ajoute une mécanique pour ainsi dire inhabituelle à l'univers : l'humour. Celui-ci pouvait être présent lors de quelques répliques ou instants des trois oeuvres précédentes, mais n'était absolument pas l'un des moteurs principaux du film. Cela peut en effet comporter quelques passages parfois profondément irréalistes même pour de la science-fiction (le tir ricochet de Christie, la mort du Général Perez,...). Des 4 réalisateurs, nous constaterons vite que c'est peut-être Jeunet qui impose le plus son style visuel et thématique. Certains diront que ce n'était tout simplement pas un bon choix, mais je dois bien avouer que je suis en parfait désaccord avec cette vision. À mon sens, le cinéaste aurait peut-être du se montrer plus mesuré dans ses mimiques de réalisations, mais je n'estime malgré tout que ça ne met absolument pas le film dans une situation d'échec.


Ripley est un personnage résolument différent des volets précédents et pour cause, ce n'est pas celle que nous avions laissée sur Furina 161, celle-ci est belle et bien morte et le film ne cherche pas à faire croire le contraire malgré son pitch de base. Elle n'est plus à présent que le résultat d'expériences en labo, elle est le huitième clone du programme destiné à la recréer (peut-être une façon de nous indiquer que c'est elle, à présent, le huitième passager). La jeune femme n'est plus tout à fait humaine et possède de l'A.D.N. alien en elle et est donc plus que jamais en connexion avec l'esprit des xénomorphes. L'un de ses objectifs au cours du récit sera d'ailleurs de reconquérir sa propre humanité. Elle est encore une fois centrale au déroulement du film et propose presque une auto-critique de ce quatrième volet. Ripley est à l'image du film, un objet hybride. Ripley brûlera ses anciens clones dans le but de détruire sa part alien et de récupérer son humanité dans une superbe séquence. Le personnage semble beaucoup plus libre qu'avant paradoxalement. Elle arrachera à un moment du film la seconde bouche de l'alien. La créature dépossédée de ce symbole phallique destiné à pénétrer ses victimes, il ne peut plus avoir d'influence sur Ripley. Elle castre symboliquement le violeur qui a détruit sa vie dans les films précédents. Il nous est montré assez joliment que le monstre n'a plus d'influence sur elle, elle l'a vaincu.


En fin de film intervient la naissance de l'hybride entre l'humain et le xénomorphe. Cette créature est donc l'abomination, le croisement entre nos deux races. Le public l'aura résolument moqué à l'époque le trouvant répugnant et ridicule. Le fait est qu'ils ont raison, mais c'est bien le but recherché, évidemment que cette créature est difforme et innommable résultant des pires croisements génétiques possibles. À mon sens, Jeunet réussi parfaitement à maîtriser ce nouveau monstre, brouillant le lien entre les deux espèces. Pour se libérer définitivement de sa part alien, Ripley devra donc tuer ce qui est en quelque sorte son enfant (nous retrouvons encore une fois le thème de la mère, présent déjà dans les films précédents).


Le film offre son lot de séquences clés d'anthologies (la scène sous-marine, naissance de l'hybride, la découverte des clones de Ripley,...) et ses personnages cultes (Johner par Ron Perlman, Vriess par Dominique Pinon,...). Les relations entre les personnages sont intéressantes et mènent à l'un des thèmes centraux du récit : la révolte. Chaque protagoniste vivra en effet son moment de révolution contre un ou plusieurs éléments du film. Après moult rebondissements et révoltes en tout genre, la scène final conduit vers un retour des survivants sur Terre. Ripley sort de cette expérience transformée et différente. Elle est partie depuis si longtemps qu'elle ne comprend plus comment fonctionne ce monde. Ripley dira à Cal qu'elle est à présent elle-même une étrangère (synonyme du terme "alien"). Je conçois que le film comporte beaucoup de problèmes gênants, en revanche Jeunet conclut son oeuvre d'une bien belle manière. La résurrection porte le nom de Ripley. C’est ainsi que tout peut recommencer sereinement sur de nouvelles bases, plus saines (si l'on se base sur la version cinéma du moins).


Alien : Resurrection est le volet le plus léger mais aussi le plus difficile à traiter de la saga tant il semble parfois (à juste titre) hétérogène avec lui-même. Il reste cependant à mon sens en totale cohésion et dans une juste évolution avec la trilogie précédente. Il me semble important de pardonner à Jeunet ses quelques erreurs de parcours au profit d'un superbe film de science-fiction. Sigourney Weaver interprète une dernière fois le personnage de Ripley d'une très bonne façon malgré les différences avec les films précédents. Les designs et décors restent évidemment sublimes, comme toujours avec cette quadrilogie. Finalement, même s'il fait parfois l'objet de vilain petit canard de la saga, Alien : Resurrection reste à mon sens une grande oeuvre dans son genre.


Ainsi se conclut cette prodigieuse saga, restant à mon sens l'une des plus importantes de toute l'histoire du cinéma.

Créée

le 5 avr. 2020

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