- Vous allez me dire ce que j’ai dans le ventre !
- Tu as un monstre au fond de toi. Ces types ont piraté la navette où tu étais. Ils ont vendu ton cryotube à cet homme là. Il t’a mis un alien à l’intérieur de ton corps. Un spécimen très agressif. Il va sortir en te crevant la cage thoracique et tu vas mourir… D’autres questions ?
- Qui êtes-vous ?
- Je suis la mère du monstre.
Critique de la version cinéma qui est la véritable version voulue par le réalisateur et non celle de la director cut qui rend le tout un brin plus comique. Critique avec spoiler.
Jean-Pierre Jeunet, réalisateur de l'excellent : La Cité des Enfants Perdus, propose avec Alien Résurrection la suite controversée d'une saga que l'on pensait clôturée avec la mort de son héroïne principale : Ellen Ripley. Mais c'est sans ignorer l'appât du gain des studios qui voulait tirer encore plus sur la corde pour engendrer toujours plus de profit, quitte à cloner au passage Ripley. Pour porter ce projet sur grand écran quoi de mieux qu'un petit Frenchy qui n'aurait d'autres choix que de suivre la volonté des studios. Seulement, Jean-Pierre Jeunet est loin d'être un imbécile, cet avec un esprit malin qu'il va contourner les lignes du studio pour proposer une véritable relecture graphique de style et de fond, à partir du scénario de Josh Weydon qu'il redéfinira au grand mécontentement de celui-ci (perso m'en fou car Weydon a fait pire avec Justice Ligue), dans laquelle le français offre un épisode original qui explore des thèmes encore inabordés dans la saga, le tout avec une résolution graphique incroyable. Une nouvelle plongée révolutionnaire dans la science-fiction horrifique.
Si Alien premier du nom réalisé par Ridley Scott, proposait un film d'horreur atmosphériquement unique et sous tension au suspense étouffant; Aliens le retour un des plus grands films d'action horrifique de tous les temps d'une générosité sans limite de la part de James Cameron; Alien 3 une version claustrophobique présentant une créature différente dans une tentative de reconnection au suspense du premier film chaotique passablement réalisé par David Fincher; Alien Résurrection lui s'imprègne un peu des trois opus, pour proposer une forme totalement obsédante et décadente de l'alien, à travers un véritable hymne d'amour au cinéma de monstres gores. Le récit commence 200 ans après avoir quitté Ripley que l'on retrouve sous une autre forme dans le sinistre et profond vaisseau de l'Aurega, véritable laboratoire du mal ayant son propre élevage d'aliens, qui fatalement s'évadera alors qu'un équipage de mercenaires provenant du Betty se réapprovisionne, créant ainsi un croisement d'intrigues intéressant, amenant un véritable ballet de monstres, appuyé par l'excellente composition musicale de John Frizzell qui est ma préférée de toute la saga.
En ressort une texture d'images esthétiquement gores, des confrontations épiques, des répliques piquantes, une atmosphère profondément glauque et sinistre, des monstres hybrides uniques, un développement dramatique efficace...Techniquement, le film est irréprochable, avec un jeu de lumières exceptionnelles, provenant souvent du sol avec laquelle le cinéaste joue habilement, allant jusqu'à créer un halo lumineux dans les yeux de Sigourney Weaver et Winona Ryder, amenant un effet hypnotique très beau. La mise en scène est ingénieuse, avec des plans de caméra filmer souvent au ras du sol. Les effets d'optiques de la caméra sont très bons, et les effets sonores sensationnels. Ce film en matière d'art, de costumes, de décors, de mise en scène, de photographie, d'idée, respire le style à plein nez. À travers une violence déchirant Alien Résurrection exige bien plus d'attention avec un genre de monstre sacrifié au nom de la conscience, pour un effet merveilleusement troublant.
Bon alors ? Avec qui il faut qu'je baise pour sortir d'ici ?
Il y a beaucoup de sous-textes sur le sens de l'humanité et le lien de la maternité, à partir de cela le film aborde certaines questions existentielles pertinentes avec Ripley version clonée et le robot joué par Wynona Ryder. À travers elles, on explore les constantes de l'expérience humaine, là où personne dans la saga n'est allé auparavant. Ce film n'est certainement pas pour quelqu'un en quête du frisson facile ou d'un film d'horreur de base. C'est un travail brillant et ambitieux incitant à la réflexion sur le conditionnement humain, dans une parure diabolique où l'effet papillon prend tout son sens autant dans la forme que le fond. Dès les premières minutes on assiste à cette forme répugnante et inquiétante à travers un générique d'ouverture qui annonce instantanément le ton avec les clones malformés apparaissant à la caméra appuyée par un filtre jauni donnant une forme abjecte. Un morphing très intéressant qui met rapidement mal à l'aise. Pour finalement arriver à la version enfant de Ripley qui se change en adulte. Pour enfin assister à la naissance de Ripley numéro 8 sortant de son cocon de soie. Une superbe scène tenant du mystique.
Alien Résurrection est un enchaînement d'idées génialissime. Une véritable force de proposition dans laquelle Jean-Pierre Jeunet propose une multitude de séquences incroyables et intrigantes. Toute l'idée autour du croisement génétique entre la reine alien et Ripley tient du génie. Une proposition fascinante et originale qui débouchera sur une nouvelle créature : "le nouveau-né". Jean-Pierre Jeunet dépeint une chose difforme et dérangeante, véritable croisement entre un humain et un alien. Une forme aberrante dégageant un sentiment d'innocence à travers un regard émotif et enfantin, capable de basculer en un instant en un regard barbare et terrifiant. De tous les aliens, c'est bien celui-ci qui me provoque le plus de sentiment, de frisson et de dégout. La liaison qui l'unit à Ripley est bouleversante autant que malaisante. La scène de sa naissance est incroyable, tout comme celle de sa mort qui est certainement l'une des plus grandes fins de films de monstres que j'ai jamais vues. Sa fin m'a profondément traumatisé, tant c'est révoltant avec se crie de douleur dérangeant et révoltant, dans laquelle on croirait entendre le nouveau-né crier : "Maman", avec un regard d'incompréhension adressé à sa mère Ripley qui l'abandonne à son triste sort en versant quelques larmes. Une fin qui retourne l'estomac. Après cela, comment prétendre que le film de Jeunet est celui d'un yes man sans inspiration. On a clairement pas vu le même film, celui-ci propose une vision cauchemardesque édifiante.
Pour prouver que cette scène finale n'est pas qu'un coup de bol de la part du cinéaste français, celui-ci réitère l'exploit dans plusieurs autres séquences comme lorsque Ripley découvre sa véritable origine. Elle découvre les expériences précédentes qui ont échoué, les autres conceptions des clones dans un véritable laboratoire du docteur Frenkenstein. C'est artistiquement génial. On aperçoit les 7 clones avant Ripley tous dans une malformation congénitale unifiant l'Alien à l'humain. Le clone numéro 7 est de loin le plus impactant car encore vivant dans une forme affreuse et douloureuse qui retournera Ripley et nous avec. Un vrai musée des horreurs rendant gloire au monstre difforme à l'esthétisme rebutant de The Thing de John Carpenter qu'on croirait être derrière la réalisation d'Alien Résurrection. On retrouve encore une fois ce génie somptueusement répugnant durant la scène où Ripley se retrouve aspiré dans le nid d'aliens. De quoi réjouir les fans de Lovecraft lors de cette scène hommage à H.R.Giger.
- Crève ! Fils de pute !!!!!!
Jean-Pierre Jeunet pense également à nourrir son film de séquences d'action cultes et épiques alimentant allègrement le spectacle comme l'attaque sous l'eau qui est tout bonnement géniale et inédite dans la saga Alien. Une confrontation abyssale qui conduira à l'une des scènes les plus badass de tous les temps avec un Ron Perlman accroché à l'échelle se retournant à l'envers les deux guns en main en criant : "Crève fils de pute !", tout en lâchant son chargeur sur un alien attaquant ses potes, pour finir par dégommer une petite araignée. C'est génial ! On retrouve d'autres séquences autant jouissives avec la fameuse explosion de poitrine par un bébé alien qui traverse en même temps la tête du méchant médecin, ou encore le salut militaire typiquement américain du général Pérez (Dan Hedaya) venant de détruire une capsule de sauvetages remplis de soldat qui se retrouve au même moment transpercé d'un coup de langue alien. Un joli pied-de-nez au patriotisme américain, qui dans un premier temps ne plaira pas au studio voulant retirer cette scène, mais qui plaira durant la projection teste, ce qui fait que finalement elle restera. Pas mal pour un yes man n'est-ce pas ? (Pour ceux n'ayant pas saisi je fais de l'ironie.)
Le casting est excellent, quel plaisir de retrouver une équipe solide autour de Ripley, qui dans le troisième opus était bien seule. Sigourney Weaver est comme toujours, tout bonnement géniale. Si au départ l'idée de la voir revenir d'entre les morts ne me plaisait absolument pas, ce que Jeunet en fait est totalement original. Parvenant à tirer une véritable force de cette résurrection en tirant un sacré contexte. En effet, il ne s'agit pas de Ripley à proprement parler mais d'un personnage à part entière du nom de : ''8''. La connexion que possède 8 avec les aliens est fascinante, grace à elle on en apprend encore plus sur la manière de percevoir des xénomorphes. Les mouvements de 8 tiennent du génie, on ressent quelle est une descendante des aliens. Que ce soit dans sa manière de se mouvoir, de nager ou de ressentir les choses, c'est superbement bien foutu et interprété par la comédienne. Une vraie prédatrice.
La première rencontre entre 8 et Call est une scène piquante, vaguement érotique. Winona Ryder dans le rôle de Call apporte beaucoup au récit de par son interprétation, mais surtout de par l'écriture de son personnage qui est exceptionnel avec un background intelligent amenant une véritable subtilité et profondeur au droïde. Un droïde créé par les droïdes, possédant une énorme palette émotive et se souscrivant au conditionnement humain en choisissant sa propre voie.
Mais... tient donc... c'est bizarre... il me semble avoir déjà vu cela quelque part... ah oui c'est vrai Michael Fassbender dans Prometheus et Covenant de Ridley Scott. Finalement, pas si original son David.
L'équipe de mercenaires provenant du Betty est tout bonnement extraordinaire avec en tête l'excellent et percutant Ron Perlman dans le rôle de Johner. Ce personnage est génial, j'adore la manière dont il pète les plombs et flippe devant les aliens en hurlant à plein poumon. Dominique Pinon acteur fétiche de Jeunet est également très bon dans le rôle de Vriess, le paralysé des jambes qui surprend tout du long. La relation qui l'unit au tireur redoutable et charismatique Christie par Gary Dourdan est touchante. J'adore lorsque celui-ci finit accroché à son dos, une superbe idée. Le chef des mercenaires Elgyn (Michael Wincott) personnage que j'aime beaucoup meurt selon moi trop vite. Sa compagne Hillard (Kim Flowers) est un peu en retrait, elle possède une belle paire de fesses que l'on peut voir lors d'une scène que Jeunet considère comme sa préférée. S'ajoutera à cette équipe de mercenaires le soldat Distephano (Raymond Cruz) et le pauvre Purvis (Leland Orser) qui n'a décidément pas de bol. Les médecins diaboliques sont également une bonne idée avec Gediman (Brad Dourif) et Wren (J.E.Freeman) de vrai savant fou.
CONCLUSION :
Alien Résurrection réalisé par Jean-Pierre Jeunet, est une oeuvre à ne surtout pas sous-estimer. Un véritable musée des horreurs mettant en place une pièce horrifique dérangeante et révoltante dans une forme intelligente questionnant la complexité humaine et les valeurs du lien maternel. Autant percutant dans la forme que le fond. Un spectacle redoutable à ne clairement pas mettre entre toutes les mains, présentant une vision différente et néanmoins complémentaire aux visions de Ridley, Cameron et dans une moindre mesure celle de Fincher. Voilà à peu de chose près à quoi aurait pu ressembler Alien par John Carpenter. Une véritable expérience morbide d'une originalité percutante. On n'est pour ma part pas loin du chef-d'oeuvre, seulement le petit fond d'ironie constant m'empêche de pleinement valider.
C'est ce qui s'appelle "l'effet papillon".
- Hey, Ripley. À ce qu’on raconte, tu as déjà eu affaire avec ces bestioles ?
- C’est vrai…
- Ouah, putain… Et alors ? T’as fait quoi ?
- Je suis morte.
Voici une anecdote que j'adore autour d'Alien : La Résurrection, qui prouve le génie de Jeunet.
Jean-Pierre Jeunet : "Nous autres français, on désespérait la Fox", ironise Jeunet. "Je me souviens que l'équipe avait dessiné des aliens sur les murs avec des bites partout, des créatures qui s'enculaient... Une femme est passée devant et a failli s'évanouir. Il a fallu brûler les dessins, le studio l'a exigé. Je me souviens que deux menbres de l'équipe française ont été surpris en train de s'embrasser entre deux camions. Ça a été un scandale, il a fallu que j'aille expliquer à la Fox qu'en France, on s'embrasse entre les camions, c'est comme ça ! On les choquait énormément, ces puritains américains. Et nous, exprès, on ne faisait que de parler de cul. On se moquait d'eux parce qu'ils étaient toujours en short, et par provocation on gardait nos pantalons. Un jour on s'est tous mis en caleçons. C'était bon enfant, hein, c'était marrant !"
Jeunet lors de ce film est très loin d'être un yes man, il est au contraire très malin, car il disait toujours oui d'un côté en faisant l'ignorant et faisait l'inverse de l'autre, jusqu'à changer le scénario de Weydon et détruire cette part patriotique américaine qui le faisait grincer les dents. Le plus fort la dedans c'est qu'il a réussi à finalement faire valider ce point malgré le fait que les studios n'étaient pas content avec cela.