Adapter le chef-d'oeuvre littéraire de Bret Easton Ellis est chose impossible, impensable. Ultra-violent, pornographique, parfois à la limite de la déviance, le roman jouait également sur une moquerie acerbe des stars hollywoodiennes que l'on croisait souvent au détour d'une scène. Pourtant, Mary Herron, réalisatrice de I Shot Andy Warhol, arrive à retranscrire le bouquin dans la mesure du possible, délivrant presque dix ans après la sortie originale un long-métrage passionnant, révélant par la même occasion au public un jeune Christian Bale...
Les puristes bouderont en raison de certains scènes omises ou écorchées (l'ordre chronologique est bouleversé, des séquences sont raccourcies ou mélangées à d'autres, le côté gore est désormais supportable...), les autres se délecteront de la qualité du long-métrage, prenant, parfois déstabilisant, esthétiquement irréprochable et en accord total avec le matériau de base. Alors éclipsé dans les années 90 par d'autres enfants stars, Christian Bale, 25 ans, s'avère parfait en tueur psychopathe tantôt dandy maniaque de la propreté tantôt sanguinaire déjanté, débitant un monologue sur la situation de notre société actuelle ou bien alors courant dans son appartement, nu, une tronçonneuse dans les mains, prêt à déchiqueter une prostituée désireuse de s'échapper.
Et bien que le film aurait pu gagner en intensité dramatique et en violence graphique, avec quelques minutes supplémentaires et des détails plus approfondis, American Psycho reste un excellent long-métrage, sa réalisatrice ayant parfaitement compris les tenants d'une adaptation pour le cinéma. Porté par une pléiade d'acteurs au diapason (dont un impressionnant Willem Dafoe) et nanti de séquences cultes, American Psycho dévoile l'envers d'une Amérique centrée sur l'égocentrisme et les méandres d'un homme décidé à en finir avec son quotidien monotone. Presque un chef-d'oeuvre.