On m'avait pourtant prévenu, et je n'ai pas écouté (pour changer) : Annabelle, premier spin-off visant à élargir les horizons commerciaux de la saga Conjuring estampillée James Wan, est une terrible catastrophe, pas si loin de l'autre débâcle traitée récemment, Le Cercle - Rings. Incapable de faire peur, il use des travers des films d'horreur actuels (déjà défaut de Conjuring : Les Dossiers Warren) en assommant le spectateur d'un son insupportablement fort, brutal et placé, à chaque fois, de manière grossière.
Ces jumpscares témoignent des maux du genre actuels (la pratique ne datant certes pas d'hier) : réalisés par des metteurs en scène de commande, plus proche des producteurs que du métier de cinéaste, ils affichent leur incapacité à poser une ambiance par la répétition plus ou moins espacée de ces mêmes gimmicks insupportables, basés sur les mêmes plans de caméra conduisant sur les mêmes screamers plus ou moins ratés puisque mal placés ou de mauvaise qualité sonore.
Des défauts du premier volet de la franchise, Annabelle retient aussi son écriture commune et sans grande surprise, y ajoutant le bordel monstre de l'invention sans idée. Entre possession mal menée et inclusion dans l'intrigue d'une secte proche de la famille Manson (pour un film qui plagie si ouvertement Rosemary's Baby, c'est un comble de se dérouler au moment des évènements concernant Sharon Tate), on part dans un grand n'importe quoi à peine expliqué, les deux meurtriers sectaires nécessitant la scène finale du deuxième spin-off Annabelle pour qu'on puisse comprendre le fin mot de l'histoire, et mettre un nom sur un visage.
Si l'on est incapable de donner du sens à ce que l'on voit, à remettre le film dans le contexte particulier du premier Conjuring, c'est d'autant plus dérangeant que cette séquence d'Home Invasion se cale comme la meilleure du film, la seule qui soit un minimum effrayante et ne se base pas que sur des jumpscares. Certes bordélique du fait de son manque de lumière, il tient un rythme particulièrement soutenu qui jure avec le reste de l'oeuvre, quand il ne promettait pas de sacrés moments de peur pour la suite des réjouissances.
Vous n'en aurez évidemment presque aucun autre, John R. Leonetti, à l'origine de Mortal Kombat 2 et L'effet Papillon 2, passant son temps à démontrer qu'il n'a aucun talent, que ce soit pour l'horreur ou le simple métier de réalisateur. Mou du genou, presque entièrement calqué sur l'esthétique de James Wan (qu'il tente de reprendre sans être seulement capable de reproduire le succès affirmé de ses jumpscares), Annabelle navre encore plus qu'il ennui, se déroulant en 1 heure et 40 minutes qu'on ressent comme trois heures de film Asylum.
Jamais trépidant ou ne serait-ce qu'intéressant, il est à ce point raté qu'il ne parvient pas même à remplir sa fonction première : effrayer son public. Sans aucun moment de tension pure, il ne produit jamais l'effet escompté, celui de filer des sueurs froides équivalentes au travail notable de James Wan, décidément seul réalisateur d'horreur à ce point novateur de sa génération (même si l'on pourrait placer quelque crédit sur le nouveau poulain de Wan, David F. Sandberg).
Oublions les incohérences du bordel, ne nous concentrons pas sur le manque de talent incroyable de ses acteurs de bas étage; non, avançons plutôt qu'Annabelle est symptomatique de ce qui pose problème dans le cinéma en général : du moment qu'un univers paraît suffisamment riche pour être démultiplié en différents spin-offs de réalisateurs plus ou moins compétents, vient toujours le film désastreux qui remet tout en question, l'oeuvre purement mercantile sans aucun fond n'ayant pour but que de piller l'argent des fans de l'oeuvre d'origine, ou des spectateurs en général.
C'est d'autant plus regrettable que ce film là, qui marquerait la fin de l'âge d'or d'une franchise déjà bien établie, s'est manifesté avec Annabelle qui, rappelons le, représente la première extension de l'univers cinématographique de Conjuring. Est-ce le signe qu'un univers partagé horrifique ne peut perdurer? Les spin-offs suivant en attestent largement.
Conjuring, ou l'univers artistiquement mort-né qui ne cesse de gagner en bénéfice et popularité à mesure que s'enchaînent ses mauvaises extensions. Catastrophique.