Certains baptisent Tarantino de son petit prénom, Quentin. Ils ont gardé les cochons ensemble et se sont massés les pieds mutuellement, il faut croire.
Mais pour moi, ben Quentin c’est Quentin Dupieux, musicien et cinéaste, et en plus il est français. Vive la France surtout quand elle ne sent pas la vieille charentaise.
Alors on n’a pas gardé les pneus tueurs ensemble ni partagé des vestes en daims ni enc... les mouches, mais pour cette critique je ne l’appellerais que par son prénom.
Et quand je vois un film de Quentin, je jubile, je me dis qu’il va m’emmener là et puis là-bas, mais en fait non, tu t’es bien fait avoir.
Ses productions sont des manifestes à l’indépendance, non seulement de lui-même, “laissez-moi faire ce que je veux” mais aussi du cinéma “sortez-vous les balais du cul et dansez la Petrouchka”. La fiction s’insère dans la fiction, les barrières n’en sont plus, tout semble possible, tout peut l’être.
Tiens, par exemple Au poste !, je vous dis l’histoire et si je vous en dis pas trop, c’est l’histoire d’une nuit dans un commissariat, c’est une garde à vue, c’est Louis Fugain, le suspect, qui raconte ce qu’il faisait pendant qu’un meurtre était commis et c’est le commissaire Buron qui l’écoute.
C’est simple, non ?
C’est l’histoire de tant d’autres histoires. Ce serait chez un autre cinéaste un huis-clos policier âpre et étouffant comme disent les critiques.
Mais avec Quentin rien n’est simple, et le spectateur il se méfie. Ce décor des années 1970-1980, avec sa moquette aux murs, sa machine à écrire, ses vestes en cuir et autres pulls à col haut, il baigne dans une photographe sépia bien trop appuyée pour être honnête. C’est trop banal, c’est trop moche.
Et progressivement, le décalage s’impose, la comédie s’invite, pas celle à gros souliers de certaines productions. Il y a la douce absurdité des dialogues, dans des jeux de répliques balancés à froids alors que les acteurs restent dans leurs rôles. Et certaines situations qui viennent en décalage, jamais excessives, mais au petit écart plaisant, amusant, car surprenant.
Car Quentin c’est un malin.
Le spectateur, il aime bien le perdre. Les histoires qui veulent être crédibles, il laisse ça aux autres, il rappelle que la fiction c’est de la fiction. Alors il n’hésite pas à se moquer des attentes. Le spectateur, il veut le fin mot, coupable ou pas coupable ? Quentin il peut ne rien raconter pendant plusieurs minutes, juste montrer quelques scènes qui semblent inutiles, mais avec lui on ne sait jamais. Alors on tente de déchiffrer. Ou on attend.
Et puis le procédé narratif s’emmêle, dans les flashbacks de Louis il y a des personnages qu’il va rencontrer plus tard qui sont là, qui le coupent. Louis tente de garder le contrôle de ses souvenirs, tandis que l’inspecteur, commentateur ou voyeur, semble prendre la place du spectateur, dans son jugement ou dans son oeil.
Et si tout pouvait encore s’accepter comme tel, paf, la révélation finale. Mais je la raconte pas, sinon c’est pas drôle, faut la découvrir. Mais Quentin c’est un malin, tout n’est pas fini, les petits chaussons nous attendent peut-être pour aller se brosser les dents à la salle de bains, tout ne peut pas s’expliquer, même si les commentateurs vont adorer tenter de tout relier et servir de belles explications de texte.
Quentin d’ailleurs c’est un malin, on le sait, mais il filme bien, il a plein de plans de caméra en stock. Mais surtout il sait bien s’entourer, c’est pas étonnant que tout le monde veuille travailler avec lui, ça change. Après Alain Chabat et avant Jean Dujardin, le duo principal est représenté par Benoit Poelvoorde et Gregoire Lustig. Le belge azimuté est ici calme, interrogateur et conciliant, mais malgré tout prudent. Gregoire Lustig il est un peu plus pataud, ce n’est pas la même présence. Il y a encore d’autres acteurs, et ils sont tous très biens (sauf Orelsan), il y a Marc Fraize, Anais Demoustier ou Philippe Duquesne, mais je vais pas trop vous saouler.
- Alors donc Monsieur Simply Smackkk, vous avouez avoir apprécié ce film ?
- Oui, bien sûr. Ce n’est peut-être pas la même claque qu’avec le formidable Rubber, mais j’aurais du mal à le départager avec Le Daim. Les deux partagent cet humour doucement absurde, en décalage. Ce n’est pas si facile à utiliser et intégrer. Et Quentin il le fait en s’amusant avec les attentes du spectateur, avec les conventions attendues.
C’est pour ça.