Endgame of stones
Il s'installe en ce mois d’avril une ambiance fin de règne sur la planète pop qui a paradoxalement de quoi réjouir. J’aime voir les compteurs s’affoler et un certain nombre de générations bruisser...
le 28 avr. 2019
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Avengers : Endgame était particulièrement attendu. Après une vingtaine de films en 10 ans, soit une cadence intensive, la reprise en main des salles de cinéma par Marvel devait se distinguer par une apothéose. Annoncé comme la fin de la Phase 3, bien que personne ne sache à quoi correspondent les deux autres, le film doit être à la fois une conclusion aux intrigues secondaires lancées depuis et en même temps amorcer un nouveau départ. De plus, il est la suite directe d’un film haletant, se terminant dans la plus grande stupeur du spectateur. Pour le fan, le curieux ou le nouveau venu intrigué par le déballage marketing, les enjeux sont grands.
Soyez prévenuz, le point de vue qui va suivre contient de grosses traces de spoiler. Munissez-vous d'un café ou d'un Cacolac pour la lecture, je rentre dans les détails.
La fin du jeu des Vengeurs se poursuit directement après la conclusion brillante d’Avengers : Infinity war où le malthusien Thanos, d’un claquement de doigts avec son gant serti des Pierres d’infinité, a fait disparaître la moitié de l’univers, dont une bonne partie de héros. Le doute était encore permis, les théories ont fleuri, il aurait pu s’agir de téléportations dans d’autres dimensions ou d’autres choix plus doux, mais non : il est bien acté qu’ils ont été tués.
Trois semaines après, après avoir retrouvé Iron Man et Nebula, le petit groupe restant retrouve la trace du Titan violet. La solution de facilité aurait été de lui prendre son gant pour d’un autre claquement de doigts faire revenir les morts. Mais ils retrouvent un Thanos apaisé mais affaibli, blessé par le dernier ordre qu’il a demandé à son gant magique : se détruire. Il ne semble plus y avoir d’espoirs, Thor pique une petite colère.
Cinq ans ont passé, chacun tente comme il peut d’aider la Terre, et au-delà, de se reconstruire. Heureusement, un rat, le véritable héros du film, va aider à faire sortir Ant-man de la dimension dont il était piégé. Après avoir encaissé le choc de découvrir un monde quasiment en ruines, il propose aux membres restants une nouvelle idée : se servir de cette dimension pour remonter dans le temps.
Avengers : Infinity war était un grand et spectaculaire film d’action, à la montée en puissance captivante, réunissant tout ce que l’écurie Marvel avait d’étalons et de poulains. Endgame prend le contre-pied de ce qui faisait le succès de son prédécesseur, au point de s’emmêler les guibolles.
Les personnages invoqués pour Infinty War représentaient une légion, synthétisant une vingtaine de films. L’équipe est ici resserrée, bien que centrée autour des têtes d’affiches que sont Captain America, Thor, Hulk et Iron Man. Mis à part le capitaine, chacun a pris de nouvelles directions dans ces 5 ans, en prenant le défi de s’assumer, de construire autre chose ou de se laisser aller. Autour d’eux, une demi-douzaine d’autres héros vont les assister, dont certains absents du précédent, comme Hawkeye et Ant-Man, bien mis en valeur.
Il était acté que certains allaient quitter l’univers Marvel, la curiosité étant de savoir comment. On comprend donc mieux les éclairages sur certains en particulier, mais avec le regret de voir un manque d’évolutions, puisque celles-ci ont eu lieu pendant ces 5 ans. Les liens au sein de l’équipe sont importants, mais hormis quelques prises de bec entre Captain America et Iron Man, il s’agit plus de se lancer quelques piques ou de les voir supporter certains deuils. L’esprit de cohésion semble parfois artificiel. Ce n’est que vers la fin qu’on pourra retrouver les autres héros, mais revenus de façon trop rapide pour s’en contenter. Il faudra faire une croix sur le jeu d’orchestre finement équilibré du précédent.
On notera d’ailleurs que malgré tout le foin fait autour de Captain Marvel, avec ce rebondissement final dans Infinity war et son film juste avant, celle-ci ne fait que quelques apparitions, savamment présentées comme miraculeuses mais le personnage n’a pas un grand rôle sur la conclusion de l’histoire. Elle est en plus présentée comme hautaine et indifférente au sort des Avengers, qu’elle laisse se débrouiller. La femme forte et fière gâche son capital sympathie hérité de son propre film. Pire, elle mène à un moment un commando de femmes vers la bataille qui ne semble rien vouloir dire de plus que « mais si, on a des héroines chez Marvel ».
Malheureusement, le manque de crédibilité de l’histoire du film qui nous est présenté ne favorise pas un attachement aux personnages. Il y a évidemment les facilités scénaristiques, qui sont habituelles dans ce type de superproduction, mais ici bien trop difficiles à avaler car elles ne fonctionnent pas, entraînant d’autres problèmes de cohésion.
La première étant la belle opportunité de cette dimension pour remonter dans le temps, je ne m’étendrais pas dessus, la suivante étant le bond de 5 ans, où le film semble dire tout et son contraire. Dans ce monde post-apocalypse, Captain America mène des groupes de parole, et on peut voir des villes abandonnées ou presque envahies par la verdure. Mais d’autres exemples viennent démontrer que ça ne va pas si mal, comme le Japon, toujours aussi électrisé et coloré. Il y a toujours du réseau pour les téléphones portables ou le cable pour la télévision. Le jeu fait même la promotion de l’Audi E-Tron (quel nom…) ou de Fortnite.
Franchement, ça ne vas pas si mal. De manière générale, et malgré tous les changements, le piéton, l’homme de la rue, est presque entièrement oublié, à part une scène avec un groupe de paroles. C’était pourtant un point important de Captain America : Civil War. Avec le retour des morts qui se mettra en place (la morale est sauve), cela suppose un autre problème. La société a évolué en 5 ans, comment vont-ils retrouver leur place ? Pas une seule mention, l’important étant de montrer ce qui arrive aux héros, et tant pis pour les conséquences. Le bond de 5 ans est donc mal utilisé, et on peut se demander pourquoi l’avoir conservé à la fin du film, une certaine promesse de Tony Stark n’étant pas suffisante. Il entraîne d’autres difficultés : puisqu’il faudra bien gérer que le monde a été dévasté, de un, et que, de deux, ceux qui reviennent le font dans un nouveau environnement.
Connaissant la facilité des films de Marvel Studios à se débarasser de certaines problématiques entre ses films, que ce soit pour le respect de son univers, comme le sort des civils, ou l’écriture de ses personnages, comme les conséquences bien vite affaiblies ou oubliées des évènements de Civil War, on peut craindre le pire.
Le temps étant une notion importante du film, la plus grande crise de désolation provient d’un autre aspect de son utilisation : le voyage dans le temps. Là aussi, le film dit tout et contraire. D’abord, il s’agit d’embrouiller le spectateur avec des explications compliquées et pseudo-scientifiques, une technique habituelle pour faire croire que c’est du sérieux, une fois que le cerveau a abandonné l’idée de tout comprendre. Le film cite d’autres exemples cinématographiques de voyages dans le temps, passant d’une référence telle que Retour vers le futur ou à La machine à démonter le temps. Pour affirmer que leur conception du voyage du temps est erronée, alors que c’est la même chose.
On retiendra aussi des contre-indications qui ne sont pas respectées, comme celle de ne pas changer le passé ou d’entrer en contact avec ses incarnations passées. Évidemment, personne ne semble vouloir respecter cette règle. La solution de recours étant de retourner à nouveau dans le passé pour réparer les anomalies, une facilité qui se passera en off, ce qui est bien pratique, mais qui pose encore d’autres questions sur comment tout a pu revenir à la normale.
Ces voyages dans le temps concernent différents lieux et différentes périodes. Comme une manière de fêter la fin d’une ère, il s’agit de retrouver des endroits emblématiques des précédents films. Un clin d’oeil très appuyé aux fans, mais qui entraîne de nouvelles contradictions et qui n’apporte pas finalement pas grand-chose. Ce retour dans le temps et dans le Marvel cinematic universe est gâché par le manque d’intensité de ses scènes. Revenir dans le premier Avengers, pour ne voir qu’une partie de sa bataille gigantesque est frustrant. Les relations entre certains membres de l’équipe et des personnages de leur passé sont bien trop appuyées pour émouvoir.
De manière générale, c’est le rythme du film qui pose aussi un gros problème. Il n’y a pas la montée en puissance du précédent. C’est un film qui parle beaucoup, pour exposer davantage ses personnages, même quand ils n’ont plus rien à dire. Qui parle aussi beaucoup pour perdre le spectateur et faire croire à l’importance de ce qu’il va arriver, alors que c’est le plus souvent décevant. Les voyages dans le temps ne sont pas impressionnants, et n’apportent rien. Quelques scènes marquantes sont aussi mal mises en valeur, laissant le spectateur perplexe sur ce qui vient d’arriver. Les scènes d’action manquent cruellement, et celle de fin ressemble à un grosse bouillie plus proche de l’emprunt à un Seigneur des anneaux qu’une mise en scène pêchue.
C’est le film de Marvel Studios le plus long, et pourtant il se plante. La recette est la même, avec sa décontraction habituelle entre des moments plus sombres ou voulus comme plus épiques. Cela reste un petit plaisir de retrouver certains personnages appréciés, tels que le formidable Ant-man, et de découvrir les sorties des figures plus iconiques, bien que plus ou moins réussies. La différence est nette avec le précédent, et la prise de risques est à saluer, il fallait oser revenir à quelque chose de plus resseré. Malheureusement si le scénario ne cède pas à la facilité première, récupérer le gant magique, il sombre complètement dans des facilités scénaristiques et utilise des idées dont les conséquences sont mal gérées, une mauvaise habitude des films Marvel. Plus embêtant, le film est parfois mou, ne sachant pas accentuer ses meilleures scènes, s’éternisant sur d’autres plus anecdotiques. Il s’agit de dire au revoir à certaines figures, alors qu’il aurait fallu une conclusion satisfaisante à l’histoire lancée par Infinity War.
La curiosité est assouvie, c’est un virage important de l’univers cinématographique Marvel, mais d’un point de vue qualitatif, c’est très décevant. C’est un essoufflement majeur, pire que Avengers : L’ère d’Ultron, qui devrait faire réfléchir sur le succès de tels films. Il va falloir voir maintenant de quoi sera constituée la Phase 4 pour distinguer ce qui peut en ressortir de bon.
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Créée
le 19 mai 2019
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