Le cinquième film d'Edgar Wright est là, et après les déboires que ce dernier a pu vivre pendant la gestation d'Ant-Man, film sur lequel il a travaillé des années avant de se retirer, faute de pouvoir mettre à profit ses idées face à un Marvel déterminé à sortir un métrage formaté, la volonté du réalisateur était alors de proposer un film foncièrement personnel.
Baby Driver est une réussite sur bien des aspects : Ingénieux sur l'écriture, exemplaire sur le montage, évidemment construit autour d'une sélection musicale rigoureuse, les personnages sont attachants et reflètent, malgré leurs enjeux personnels, une sympathie qui n'a pu émaner que d'un auteur armé des meilleures intentions au monde.
Wright l'a explicité lui-même : Le but de Baby Driver était dès le départ d'utiliser la musique pour décortiquer la rythmique de l'enchainement d'images qui compose le medium cinéma, qui répond également à des règles de tempo.
Les scènes de course poursuite n'échappent pas à cette volonté, et tout est millimétré pour qu'en plus que cela soit visuellement fonctionnel (ce qui est déjà un exploit technique, pour lequel Edgar Wright n'a pas hésité à demander conseil à un certain George Miller...), ça soit synchrone avec la musique à la seconde près. Quelques exemples illustrent la rigueur du procédé, comme par exemple le plan séquence au début, où Baby commande des cafés et répond "Yeah yeah yeah" au serveur alors qu'on entend ces mêmes mots chantés sur son iPod, ou encore le fait que Baby prenne la peine de rembobiner une chanson avant de démarrer en trombe, ce qui fonctionne également sur le plan humoristique.
Malgré le passif du réalisateur, et l'ingéniosité qu'on lui connait dans ce registre, Baby Driver n'est pas une comédie, même si on retrouve beaucoup d'ingrédients qui ne sont pas sans rappeler le comique de situation et l'absurde, qui caractérisent le style d'Edgar Wright.
A cela s'ajoute cette fois une dimension humaniste intéressante, puisque le caractère éminemment bienveillant du personnage de Baby contraste avec ses activités illégales de chauffeur/braqueur. Et même s'il semble insouciant et attentionné en compagnie de son père adoptif sourd-muet ou de la fille qu'il convoite, il peut se montrer également froid et imperturbable lorsqu'il est à la solde de Doc/Kevin Spacey (personnage également travaillé, d'abord présenté comme un archétype de gangster méticuleux, avec un revirement soudain et surprenant en fin de film).
Dernier point qui mérite une attention particulière, c'est la volonté qu'a eu Edgar Wright de ne pas expliciter l'époque dans laquelle les évènements du film se déroulent, puisqu'à l'exception des iPods de Baby et de quelques inserts sur des smartphones, rien de moderne n'est mis en avant. L'étalonnage rappelle les films de blaxploitation et tout le matériel qu'utilise Baby pour sampler et composer ses morceaux est analogique (de même que la musique qu'il écoute chez lui, intégralement sur vinyle), sans mentionner le Diner dans lequel travaille Debora ou l'idée fixe de la Cadillac qui apparait dans une séquence récurrente issue de l'imaginaire de Baby (en noir et blanc).
Bref, s'il fallait encore le préciser, Baby Driver est un excellent film qui permet de réaffirmer le concept de réalisateur-auteur et porteur de projet, une espèce malheureusement en voie de disparition au cinéma.