Depuis quelques années, David Ayer s’est prêté au jeu de réalisateur (le dernier en date de cette critique étant Sabotage, avec Arnold Schwarzenegger). Et si vous lisez bien cette phrase, vous comprendrez que cinéaste n’est pas la vocation première du bonhomme, plutôt scénariste à ses heures. C’est d’ailleurs de sa main que nous devons les scripts d’U-571, de Fast & Furious (seulement le premier opus), de S.W.A.T. – Unité d’élite et de Dark Blue. En aurais-je oublié un ? Oh que oui ! Celui du brillantissime Training Day, d’Antoine Fuqua, avec Denzel Washington (d’ailleurs oscarisé pour ce film) et Ethan Hawke. Alors oui, il est curieux de voir ce que peut donner un tel scénariste quand il s’essaye à la réalisation. Et comme toute profession, tout commence quelque part ! Pour David Ayer, c’est un film, intitulé Bad Times, et avec en tête d’affiche Christian Bale.

Bad Times suit le parcours de Jim Davis (Christian Bale), un ancien militaire, qui se doit d’avoir un travail afin de faire venir sa fiancée mexicaine de l’autre côté de la frontière. Et pour cela, il attend sa mutation dans les services de police de Los Angeles. Une attente qui se fait longue. Donc, pour tuer le temps, il fait les quatre cents coups avec son ami Mike (Freddy Rodríguez), également au chômage. Des virées en voiture, avec drogue, femmes et armes à feu sur leur chemin. Qui se répètent et se répètent… Cela ne vous rappelle rien ? Training Day, bien entendu ! Et quand l’on sait que David Ayer en est le scénariste, la comparaison avec le film d’Antoine Fuqua ne va plus vous quitter d’une semelle une fois Bad Times commencé !

Une comparaison qui parait évidente, tant Bad Times ressemble à Training Day. Rappelez-vous, ce dernier suivait le parcours de deux flics des STUPS qui, en journée, rendaient visite à un dealer, s’arrêtaient boire un coup chez un pote, pouvaient magouiller avec des gangs. Sans compter que l’un des personnages principaux pouvait se montrer véritablement dérangé, prêt à menacer n’importe qui avec son arme, même pour plaisanter. Et tout cela pour dénoncer la corruption chez les policiers, qui s’avéraient bien plus impitoyables que les criminels eux-mêmes. Avec Bad Times, c’est exactement le même schéma, allant jusqu’à nous offrir des scènes équivalentes (boire un coup chez un pote, trafiquer avec un dealer…). Du coup, en refaisant le même film, on a bien du mal à voir où David Ayer veut nous dire ou nous emmener.

D’autant plus que le film, à la différence de Training Day, ne se déroule non pas sur une mais plusieurs journées. Alors, imaginez un peu le schéma narratif de Training Day qui se répète dans un long-métrage. Cela donne une histoire qui semble ne jamais vouloir se terminer. Et qui fait l’impasse sur les différentes pistes que proposait le scénario de base. Notamment en ce qui concerne le personnage de Jim Davis, un ancien militaire ayant des séquelles de ce qu’il a vécu et qui devait se voir dans ses faits et gestes. Surtout que les autres protagonistes le soulignent souvent, qu’il n’est plus le même qu’avant. Seulement, sa folie, son manque d’être sur un champ de bataille, nous ne le remarquons quasiment jamais. Juste sur la fin, avec sa fiancée et lors d’un échange qui tourne mal. En somme, le passé sanglant du personnage n’occupe que 10 minutes sur un film qui en fait 1h55, passant littéralement à la trappe. Alors que c’est pourtant ce détail scénaristique qui aurait pu faire de Bad Times un sérieux rival à Training Day, en surfant sur l’actualité (les soldats américains en Irak).

Quant au casting, en tout cas pour les seconds rôles, nous avons l’impression de retrouver les mêmes personnages que dans Training Day (les bandits sont principalement des Noirs ou des Latinos). Petit problème : Antoine Fuqua avait pris des têtes connus pour ces rôles-là, allant de Snoop Dog à Cliff Curtis (ce dernier ayant été vu dans des films tels que Sunshine, Die Hard 4, 10 000, La Faille ou encore Colombiana). Ici, bah… on cherche encore !! Il y a juste Terry Crews, déjà présent dans Training Day. Quant à Christian Bale, il est toujours aussi bon acteur. Mais ayant un rôle équivalent à celui de Denzel Washington (niveau mentalité, imprévisibilité et danger qu’il représente), nous nous retrouvons lassés par le mauvais reflet de miroir qu’il représente (Washington ayant bien plus de charisme et de prestance que Bale sur ce coup). Même constat pour J.K. Simmons, qui ne fait nullement le poids face à Tom Berenger (Platoon, Sniper, Inception). Du féminisme dans ce monde de brute ? Oui, ce qui fait d’ailleurs toute la différence avec Training Day, une actrice ayant bien plus de place au scénario. Seulement, mettre en avant des personnages féminins n’est pas le fort de David Ayer, qui avait su les éviter dans le film d’Antoine Fuqua (Eva Mendes ne servait que de godiche avec qui coucher). Ici, la pauvre Eva Longoria se retrouve avec un rôle vraiment dispensable, voire même énervant.

Et que vaut David Ayer en tant que réalisateur ? Bah, écoutez… pas trop mal ! Le bonhomme nous ressert un film à la Training Day, avec le même genre de plans, de séquences (basées sur des discussions entre les personnages plutôt que sur l’action, peu présente), d’ambiance (souvent agrémentée de musiques hip-hop), et d’effets de mise en scène intéressants (ralentis lors de la fusillade finale, délires clipesques quand Jim Davis voit son envie d’être en guerre refaire surface…) malheureusement sous exploités à cause du scénario (encore une fois, le fait que les séquelles post-traumatiques de Jim se remarquent à peine dans le film).

En clair, et insistons une dernière fois, Bad Times est en réalité une nouvelle version de Training Day. Mais qui n’a pas la classe de son modèle, car se montrant répétitif (une grosse impression de déjà-vu), voire tout simplement inférieur (notamment en ce qui concerne le scénario et les acteurs). Lui faisant perdre son intérêt, et instaurant par moment un sentiment d’ennui (1h55, c’est un peu long pour un tel long-métrage). Pas mauvais en soit, le film se regarde et se suit sans déplaisir. Il possède même certaines qualités qui font que David Ayer mérite le titre de réalisateur. Mais, encore une fois, Training Day est passé avant, c’est tout !

Créée

le 23 mai 2014

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