Chasse aux Sorcières – Jour 22

--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au vingt-deuxième épisode de la cinquième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/Secret_of_the_Witch/2727219
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---


Tout peut arriver dans le mois-monstre, et chaque nouveau genre est pour moi un étonnement toujours renouvelé. Lors des précédentes éditions, j’avais été ravie de voir la comédie entrer dans le bal (des vampires…), puis l’action, le teenage movie, et j’en passe. Mais il y a un genre que je n’avais encore jamais rencontré en quatre éditions, si l’on peu le classer comme genre, c’est l’érotisme. Les bras m’en tombent donc, et par deux fois, car après la surprise de voir la luxure s’imposer comme thématique du film de ce soir, une brève réflexion me conduit à un deuxième étonnement : mais pourquoi diable n’avais-je pas croisé l’érotisme plus tôt dans le mois-monstre ? Car il faut dire que monstruosité et sexualité ont souvent été bons copains au cours de l’Histoire du cinéma, et ce n’est certainement pas le compte Dracula qui ira me contredire. Pour autant, c’est le mythe de Frankenstein qui s’était le plus rapproché d’une sorte d’érotisme, entre les mains de Paul Morrissey, quand il jouait dans Chair Pour Frankenstein à inventer de nouvelles variations autour de l’idée d’assembler les pièces de corps différents pour n’en faire qu’un. Pour autant, c’était plus un film a la sexualité débridée et quelque peu dérangée qu’un film d’érotisme à proprement parler. Et ce sont donc les sorcières qui s’attellent à dépuceler le genre dans le mois-monstre qui leur est consacré, par le biais de l’envoûtant Belladonna de Eiichi Yamamoto. Je sui un peu embarrassée de devoir quant à moi m’attaquer à une critique du film sus-mentionnée, ça bien que l’érotisme -et sa cousine vulgaire la pornographie- soient présents dans le paysage cinématographique depuis un bail (je ne parlerai pas « plus vieux genre du monde », mais quand même, on est pas passé loin), les deux comparses sont généralement cachés sous le tapis par tous les enseignants et autres manuels bienséants qui m’ont enseigné le cinéma et un processus de communication autour de celui-ci.
Je commencerai donc par dire que c’était certainement une erreur que le politiquement correct ait exigé une chasteté générale à l’enseignement du cinéma, car de ce film du moins nous aurions beaucoup à apprendre. Bien au-delà de ses scènes à connotation sexuelle, le film est une beauté, succession de tableaux plus ou moins minimalistes dans l’animation, mais toujours fabuleusement conçus dans le dessin, avec une inspiration très marquée et très réussie des estampes japonaises. Au scénario, bien que ce soit l’essai du français Jules Michelet qui soit adapté, celui-ci est transposé également dans un Japon médiéval. Derrière son apparence de conte faussement mignonnet, le film développe des thématiques fortes, de la lourdeur et du danger des croyances populaires, des rumeurs et des cancans, à l’avidité inéluctablement grandissante et inassouvie de pouvoir et de richesse, en passant par un féminisme incroyable, à travers une inversion des rôles du conte de princesse dont le récit a pourtant la forme : ici, c’est Jeanne, l’épouse, qui mène croisade contre le monde entier pour sauver son foyer et son époux, celui-ci prenant le rôle de la petite créature fragile et faible, à qui elle doit pardonner sa lâcheté et dont elle doit garantir la sécurité, au péril de sa propre vie. La princesse-charmante et le beau-au-bois-dormant évoluent dans cet étrange univers, à la fois d’une beauté éthérée et d’une cruauté impitoyable, avec une grande justesse et beaucoup de sensibilité.
Malgré cela, les plus haut degrés de génies s’expriment dans ce film à travers les scènes lui valant sa classification érotique. Reculant systématiquement d’un pas dans le réalisme, l’image et le son ne cherchent plus alors à représenter des actions mais des sensations. La démarche est périlleuse, et pourtant cela fonctionne incroyablement bien, plongeant le spectateur dans un hallucinant chaos sensoriel, tout aussi explicite et sans jamais se montrer vulgaire, que ce soit pour illustrer la souffrance du viol ou le plaisir de l’orgasme. D’une façon, il me semble, exclusivement typiques aux œuvres japonaises, le film dépeint une sexualité artistique, départie du voile de la honte et de la pudeur que les occidentaux ne savent soulever, simplement belle et sensorielle. Comme une œuvre d’art.
Zalya
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le 29 nov. 2020

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Zalya

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