Le far west, c’est beau, c’est chouette, c’est loin. Ses cowboys, ses shérifs, ses chevaux, ses grandes plaines, son soleil couchant et même ses troglodytes cannibales… Pour sa première réalisation, S. Craig Zahler, touche-à-tout surgit de nulle part (romancier, scénariste, compositeur, directeur de la photographie…), s’est amusé à croiser les genres en un savant mélange de saloon poussiéreux, de terres arides et de giclées gore. Bone tomahawk, c’est un peu comme si Impitoyable fusionnait avec Cannibal holocaust (avec, ici, une scène très très hard qui fera date, à n’en pas douter). Résultat : déjà une réputation culte et un grand prix au festival du film fantastique de Gérardmer. Pas mal pour un début.
Zahler, loin de se contenter d’un mix ultra référencé en mode petit malin qui connaîtrait ses classiques par cœur (et s’en vanterait), la joue au contraire maîtrise et épure à fond (mise en scène sans fioritures, décors réduits à l’essentiel, musique quasi absente…). Bone tomahawk prend sagement son temps pour narrer son histoire de durs à cuire allant tâter du sous-développés anthropophages. Un peu trop d’ailleurs. Si la mise en place traîne par quelques excès de rythme minimaliste et, parfois, de dialogues pesamment tarantiniens (on parle de soupe, on devise sur le prix d’un air de piano…), la suite abandonne ce côté un brin poseur pour virer à la balade contemplative, puis à la boucherie qui tache en milieu caverneux.
D’une certaine manière, le film se rapproche du récent The witch dans cette façon de revisiter un genre tout en y apportant quelque chose en plus, quelque chose d’intègre et d’intime dans sa nature cinématographique ; refus du spectaculaire, violence sèche, angoisse sourde, beauté primitive… Zahler prend même le risque de faire de ses sauvageons mangeurs d’hommes une menace jamais totalement visible (mais incontestable) en limitant le plus souvent leurs apparitions à des plans d’ensemble, des sons inquiétants, des silhouettes furtives ou des jaillissements barbares. L’effet n’en est que plus saisissant, et plus brutal aussi, à l’image de ce premier film singulier invoquant une pure mythologie hollywoodienne où, ironiquement, ne survivraient plus qu’éclopé, demoiselle et vieillard.
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