Amour et morale

Alliance parfaite de l'amour et du politique perçue dans sa plus haute intensité dramatique, Casablanca sait conquérir tous les cœurs grâce à ce double discours. Ajoutez à cela un soin certain apporté à l'image (jeu d'ombres, travelling latéraux, gros plans pertinents), des acteurs de renom (dont la magnifique et double Ingrid Bergman), une musique lancinante et entêtante, des dialogues efficaces et un scénario remarquablement construit, et vous avez l'un des plus grands chefs d’œuvre du cinéma.

Bien sûr il y a cette histoire d'amour romantique car impossible. Mais plus que ça, plus que ce dilemme savamment posé à Rick qui se doit de choisir entre ses propres sentiments et le bien-être d'un homme qui possède celle qui désire plus que tout au monde et qui en même temps est l'un des chefs de la résistance, il se trouve une portée politique présente dans cette lutte secrète contre l'ennemi ayant déjà pénétré notre espace, dans cette voix muette qui couve et est prête à se soulever quand il le faudra contre celui avec lequel on feint de collaborer.

Parmi cet arrière-plan qui finalement gouverne l'intrigue principale (l'histoire d'amour), une réflexion sous-jacente est symboliquement posée au public d'alors: faut-il penser seulement à soi – quitte à collaborer avec l'ennemi pour sauver sa peau - ou se sacrifier pour une nation, un idéal de liberté, le destin d'un peuple? Rick, comme le capitaine Renault, mais aussi Ilsa et son mari Laszlo y répondront en optant après de brèves hésitations pour le bien d'autrui plutôt que pour un caprice égoïste passager.