Alice au Pays des Merveilles, La Belle au Bois Dormant (avec le film Maléfique) et maintenant Cendrillon… Disney n’a pas fini d’adapter ses plus grands chefs-d’œuvre en films live ! En même temps, avec trois succès commerciaux consécutifs, il est normal que le studio décide de poursuivre sur cette voie, annonçant au fil des mois des projets aussi bien alléchants (Le Livre de la Jungle, La Belle et la Bête, Mulan…) que tordus (Dumbo, Fantasia, Prince Charmant…). Mais avant que tout cela ne débarque dans les salles obscures, intéressons-nous au dernier-né de ce concept marketing, qui reprend le dessin animé culte de 1950 (oui, ça ne rajeunit pas !). Le temps de quelques paragraphes pour dire que, même si le film aurait très bien pu se montrer sympathique, Disney (et excusez-moi du terme) pisse littéralement sur son héritage depuis quelques années.
S’il y avait une étiquette à accrocher à ce Cendrillon version 2015, c’est bien celle de film de princesse par excellence. Et pour cause, en à peine 1h55, vous aurez tout ce qui définit ce genre de divertissement susceptible de plaire aux fillettes en couettes : la jolie héroïne aux allures de cruche, le prince excessivement charmant, la magie, les grands décors, les costumes tape-à-l’œil, la niaiserie du scénario mais qui parvient à faire rêver, une bande son en faisant des caisses… le moindre détail qui puisse offrir au film un revêtement à la fois clinquant et féerique. Sur ce point, Cendrillon remplit aisément son cahier des charges, non sans certains accrocs. Rien qu’au niveau du visuel, le long-métrage nous propose du bon comme du mauvais : d’un côté nous avons des costumes et décors qui valent sincèrement le coup d’œil, de l’autre des effets numériques de bien piètre qualité (voire glauques pour ce qui concerne le faciès des animaux transformés pour diriger le fameux « carrosse citrouille ») utilisés en surdose au point de rendre l’ensemble artificiel et non féerique. Et la mise en scène plate au possible de Kenneth Branagh n’arrange rien (sauf peut-être pour la scène des douze coups de minuit, bien plus énergique que tout le reste).
Du côté du scénario, c’est exactement la même chose. Si beaucoup critiqueront l’aspect enfantin et cucul la praline de l’ensemble, à cela je leur répondrai que Cendrillon n’a pour seule ambition de n’être qu’un film de princesse, rien de plus ! Impliquant du coup des répliques téléphonées, des personnages un brin rêveur (pour ne pas dire à côté de leurs pompes), des situations rocambolesques et de la nunucherie à tout va. Alors oui ce n’est pas travaillé ni original, mais au moins, ce n’est nullement prise et de tête, cela fait sourire via une bonne humeur communicative et cela n’a jamais prétendu faire autre chose. D’autant plus que les comédiens s’en donnent à cœur joie dans leurs interprétations respectives, ce qui est encore plus agréable. Après, il est vrai que niveau écriture, le film passe par des blagues trop gentillettes tombant souvent à l’eau, des coups de théâtre inefficaces (comme Cendrillon ignorant qu’elle a rencontré le prince en forêt contrairement aux spectateurs, et jouer à fond la carte du « suspense » là-dessus) ou encore cette aberration de devoir expliquer l’origine de certains pans de l’histoire (tel le nom de Cendrillon, venant de « cendre » et de « souillon ») au point de fausser les repères du public (l’héroïne se nomme Ella et non Cendrillon).
Jusque-là, vous vous dites que la note donnée accompagnant cette critique est plutôt sévère. Surtout avec des arguments qui plaident en faveur d’un divertissement à la limite du mitigé. Mais ce qui pour moi pèse dans la balance, c’est le statut du film. Sa plus grosse erreur, anéantissant d’une traite ses atouts et donnant raison à ses défauts : ne pas être une relecture du conte de Perrault mais une adaptation du dessin animé. Dans le premier cas, la pilule aurait été plus simple à avaler. Là, cela en devient tout simplement indigeste, vomitif. Un peu comme Jurassic World (oui, j’en remets une couche sur celui-là et je promets de me calmer prochainement), à savoir être constamment relié à l’original mais ne parvenant qu’à le singer et l’aseptiser (et insulter les spectateurs par la même occasion qui se font avoir) faute de savoir-faire et de bonnes idées.
Adapter ne veut pas dire faire un copié-collé, j’en conviens. Mais cela n’excuse pas non plus de réaliser un grand n’importe quoi ! Un gloubi-boulga qui, par son humour à ras les pâquerettes et son côté gentillet, dénature ses personnages. Que ce soit la marâtre (diabolique) ou les belles sœurs (insupportables de méchanceté), transformées ici en bouffonnes de service. La palme revenant à Marraine la Bonne Fée, l’une des figures emblématiques du studio aux grandes oreilles : une sorte de diva hystérique qui va même jusqu’à roter (être déguisée en mendiante à ce moment-là n’excuse pas ce blasphème). Un foutoir qui reprend gratuitement ce qui a fait le succès du dessin animé (les souris, surtout Gus, et le chat Lucifer) pour les rendre aussi inutiles qu’un chanteur sans voix. Un bazar sans nom qui balance sans raison des références au dessin animé (la formule « Bidiboo » de la Bonne Fée, sortie de nulle part durant la scène de la citrouille) et les expédiant comme si de rien n’était (le passage où les souris confectionnent la robe de Cendrillon, évoquée en même pas deux secondes).
Non, pour apprécier ce Cendrillon-là, un seul conseil : ne pas avoir vu le dessin animé avant. Vous aurez droit à un divertissement sans prise de tête et bon enfant qui en met plein (trop) les yeux. Pour les autres, ce qui revient à dire quasiment tout le monde, le film de Kenneth Branagh se présente comme une insulte de taille à un public qui, à force de critiquer les produits hollywoodiens, devient de moins en moins difficile et laisse donc le champ libre aux grosses productions à les prendre pour des cons. Car ce que Disney fait actuellement, c’est saccager son œuvre de toute part. Si le futur Livre de la Jungle de Jon Favreau, via sa bande-annonce, me donne un soupçon d’espoir sur les réadaptions live du studio, les autres projets de ce dernier me désespère avant l’heure. Mot de la fin : vous qui lisez cette critique, faites découvrir à vos (futurs) enfants les grands classiques Disney, les vrais, pour qu’ils grandissent avec autre chose que des infamies dans la tête.