Billy Wilder, ce grand cinéaste américain, dont le nom ne parle peut-être pas au grand public, mais plus à un public un peu plus averti. J'admets également l'avoir découvert sur le tard, avec jusqu'ici des œuvres généralement sombres et noires, mais toutes remarquables. Cependant, Wilder avait une autre facette, celle d'un réalisateur de comédies, et Certains l'aiment chaud est probablement l'un de ses films les plus connus.
Tout part d'un quiproquo on ne peut plus simple. Deux musiciens fauchés jouant dans des speakeasies lors de la Prohibition et pourchassés par un gang de mafieux impitoyables, cherchent une place dans un orchestre. Par chance, il y en a une pour jouer en Floride, la promesse de jours meilleurs et, surtout, le plus loin possible des tueurs qui les recherchent. Mais voilà, c'est un orchestre exclusivement féminin, et après réflexions, les deux amis décident de se travestir pour rejoindre la bande. Le travestissement est un moyen efficace de ridiculiser ces personnages qui doivent s'habiller et se conduire tant bien que mal comme des femmes, donnant lieu à de nombreuses situations cocasses, et sur ce point, Billy Wilder n'est absolument pas avare, mais toujours avec une grande justesse.
Comme dans la plupart des films du réalisateur et des films de l'époque, leur force réside dans leur écriture. Tout se coordonne et se succède à merveille pour donner lieu à une comédie fine, drôle, pétillante et intelligente. En effet, le gag de départ ne s'essouffle jamais et trouve sans cesse de nouvelles sources de renouvellement, au point de se demander jusqu'où pourront aller les protagonistes dans leur capacité à berner leur monde. Au milieu, Sugar, jouée par une Marilyn Monroe irrésistible, jamais reléguée au rang de potiche, rêvant seulement innocemment de vivre la belle vie. Tout, dans cette comédie, fait ressentir l'atmosphère légère des années folles et la volonté de profiter pleinement de la vie.
Dans Certains l'aiment chaud, Billy Wilder ne cherche pas seulement à faire rire, il veut aussi faire réfléchir. L'attitude de Joe et Jerry est toujours empreinte d'une certaine ambiguïté, le premier jouant un double jeu pour pouvoir séduire Sugar dans le rôle d'un jeune milliardaire célibataire, le second n'hésitant pas à entrer dans le jeu de séduction un homme âgé et riche, jusqu'à, dans la peau de son alter ego féminin, accepter de se fiancer avec lui au terme d'une soirée arrosée et endiablée. Jamais trop affirmée pour ne pas choquer les mœurs, on voit dans Certains l'aiment chaud l'exposition de l'idée d'une libération sexuelle, d'un premier pas vers la destruction du tabou de l'homosexualité. Cette dernière, paradoxalement, semblait potentiellement pouvoir s'exprimer davantage s'exprimer dans le passé montré dans le film, qu'à l'époque où il est sorti en salles, et on ressent l'amertume face à ce sentiment de régression, à une époque où le puritanisme était de retour et où le code Hays censurait le cinéma. Par ailleurs, le cinéaste ne manque pas de caser une réplique parlant même de mariage homosexuel, impensable à l'époque, bien plus réel aujourd'hui.
Comme il avait pu être constaté dans Le Gouffre aux Chimères quelques années avant, Billy Wilder se montre visionnaire et contestataire, mais toujours avec une grande finesse. Le réalisateur avait une vision très moderne du monde, n'hésitant d'ailleurs pas à montrer à quel point son époque semblait avoir fait preuve de régression à bien des égards. Toujours est-il que Certains l'aiment chaud est une comédie pleine de fougue, très bien sentie, avec de nombreux passages qui ne manquent pas de faire rire, rendant hommage à une époque d'insouciance, et cherchant à faire réfléchir sur la société actuelle pour construire celle de demain.