Dans l’obscurité, deux phares s’allument. La lumière est tellement éblouissante qu’il est impossible d’identifier la voiture, et encore moins son conducteur, s’il y en a bien un. Lueur aveuglante émise par une ombre meurtrière, elle se précipite sur vous pour vous envoyer droit en Enfer. Cette ombre a un nom : Christine.
Christine est une adaptation de roman, et, un peu comme une évidence, tant les univers des deux artistes semblent proches, il s’agit d’une adaptation d’un roman de Stephen King. La base idéale pour John Carpenter afin d’intégrer la plume mystérieuse de l’écrivain dans son univers cinématographique. Le mystère, comme dans Fog et The Thing, sera très présent dans Christine, mais toujours dans le but de développer des thématiques beaucoup plus humaines. Comme j’ai pu le mentionner auparavant en parlant des films de Carpenter, ce dernier a toujours eu une véritable propension à explorer l’âme humaine et, surtout, ses failles. Christine ne fait, bien sûr, pas exception. A mes yeux, l’intrigue et le scénario du film s’articulent autour de deux axes principaux : la transformation, par des « monstres », d’une victime de harcèlement en monstre, et l’emprise des objets et du matériel sur l’humain, qui est attiré et en devient dépendant, quitte à délaisser ses semblables.
On constate donc, en premier lieu, qu’Arnie est l’élément central, confronté à ces deux emprises qui le mènent peu à peu à sa perte. La première emprise provient de ses semblables, et notamment d’une bande de vauriens qui s’évertuent à se moquer de lui et à le harceler. On observe, avec l’évolution du personnage d’Arnie, également conditionnée par l’emprise de Christine, l’effet que ce harcèlement provoque, faisant d’un jeune homme innocent une terreur assoiffée de sang et n’éprouvant aucun remords. C’est une nouvelle manière, pour Carpenter, d’illustrer la cruauté des humains envers leurs semblables, et ses effets néfastes. Et le cinéaste ne s’arrête pas ici, en invoquant donc ce qui est le personnage principal du film : la voiture, Christine. A travers elle, Arnie découvre un exutoire, mais surtout un objet de convoitise qui peut lui appartenir, à lui, rien qu’à lui. Ici, Carpenter pointe du doigt les dérives matérialistes de l’humain, son attachement aux objets et son besoin d’exister à travers eux.
En réalité, il n’y a pas qu’Arnie qui se transforme dans le film. C’est aussi le cas de Christine. En effet, le comportement d’Arnie tend à le rendre de moins en moins humain, effaçant ses sentiments et ses émotions, rapprochant son comportement de celui d’une machine. Mais, pendant ce temps, Christine, d’abord présentée comme une simple voiture, devient de plus en plus vivante, passant d’un état mécanique à un état organique. On le constate notamment avec les scènes où elle pointe ses phares sur ses victimes, mais aussi lors des scènes où elle se reconstruit, où les effets spéciaux lui donnent un aspect justement très organique et vivant. En somme, Arnie et Christine effectuent tous les deux leur transformation pour ne plus être qu’une seule entité. C’est, d’un côté, la déshumanisation de l’humain, et de l’autre, l’humanisation de la machine, à une époque, aussi, où la technologie évolue de plus en plus vite et a de plus en plus d’emprise sur les hommes. Il y a donc une réelle projection de la transformation d’Arnie et de Christine vers quelque chose de plus global, faisant du traitement de ces deux cas un reflet d’une réalité aux aspects en partie très déplaisants.
Christine n’est donc pas juste un divertissement horrifique avec une voiture tueuse, mais bien un thriller fantastique intelligent et efficace où Carpenter explore des thématiques qui lui sont chères. Le western n’est non plus jamais très loin, toujours présent dans les inspirations principales du cinéaste. Christine s’est avéré être l’un des films les plus cultes et les plus célèbres de John Carpenter, et n’a pas volé sa réputation. Rien ne dit qu’aujourd’hui, quelque part, elle ne s’est pas mise en quête d’une nouvelle âme à séduire…