• N’aie pas peur.

  • J’ai peur pour toi mon vieux, pour ce qui t’arrive pour toi et cette putain de bagnole.

  • Je sais que tu es jaloux, mais on restera ami tant que tu resteras avec moi. Et tu sais ce qui arrive au connard qui ne le sont
    pas !

  • Non qu’est ce qui leur arrive dis-moi ?

  • Je t’en prie Dennis, pas de ça entre nous !

  • Qui sont ces connards ?

  • Tout, tout le monde !

  • Leigh est avec toi !

  • Ah oui ?

  • Oui cette fille t’aime vraiment beaucoup !

  • Eh éh !

  • C’est vrai !

  • Oui … Ah, tu n’aimes pas cette bière ? je croyais que tu aimais cette bière ?

  • Tu as entendu ce que je t’ai dit ?

  • Laisse-moi te dire ce que je pense de l’amour Denis. L’amour a un appétit vorace. Il te bouffe tout. Les amis, la famille. Tout ce
    que ça bouffe, ça me sidère. Mais ce que je sais maintenant… c’est que
    si tu le nourris bien, ça peut devenir une belle chose. Et c’est ce
    qui nous arrive. Quand tu es sûr que quelqu’un croit en toi, tu peux
    tout faire. Faire tout ce don tu as envie. Et si en plus tu crois
    toi-même en l’autre,… mon vieux…. Alors attention le monde, personne
    ne pourra jamais t’arrêter, jamais !

  • Arnie c’est ce que tu éprouves pour Leigh ?

  • Rhoo quoi ? Bien sûr que non ! Moi je te parle de Christine imbécile. Aucun connard ne viendra se mettre entre moi et Christine.




Un génie reste un génie



Christine est l'adaptation du roman du même nom du romancier Stephen King sortie la même année. A l'époque King était très convoité par les studios pour traduire ses œuvres littéraires en script. Entre autres grâce au succès de Carrie, et surtout de Shining. Il était même devenu monnaie courante d'adapter en long-métrage les livres de Stephen King avant la sortie éditoriale. Une conduite à but lucratif pour faire en parallèle une sortie cinéma et une sortie littéraire afin de bénéficier des retombées critiques et médiatiques autant pour l'un que pour l'autre. Un joli coup de pub pour les studios mais aussi pour l'écrivain, néanmoins fallait être convaincue que ce serait un best-seller. C'est d'ailleurs comme cela qu'en 1983 pas moins de trois de ses œuvres adaptés sortait au cinéma : "Dead Zone", "Cujo" et bien entendu le film dont il est question aujourd'hui « Christine ».


Réalisé par l'unique John Carpenter, qui à l'époque connaît un moment difficile dans sa carrière après l'échec commercial et critique de "The Thing"(une incompréhension totale !). Avec Christine le cinéaste n'a pas droit à l'erreur ! Il doit renouer avec le public mais aussi les studios. En faisant le choix d'une adaptation, Big Jones minimise son choix d'exécution et d'imagination qui sont pourtant pourtant la base de son talent et s'en tient à réaliser le roman de Stephen King en adaptant le scénario de Bill Phillips. Un choix dans un premier tant décevant pour le fan de Carpenter qui ne veut pas voir le cinéaste bridé. Seulement, un génie reste un génie. Si du côté scénaristique il se retrouve très limité, niveau réalisation il a le champ libre. Encore mieux, Carpenter ne pourra finalement s'empêcher de retoucher pour mon plus grand plaisir avec Bill Phillips une bonne partie de l'histoire du roman pour finalement offrir une véritable association entre le génie de Stephen King et celui de John Carpenter.


L'histoire d'une voiture maléfique tueuse peut paraître redondante voir nanardesque. C'est sans compter sur le cheminement dramatique qui va offrir une construction psychologique psychotique excitante autour des deux protagonistes principaux que sont "Christine" et son pilote "Arnie Cunningham" (Keith Gordon). D'une situation fantastique horrifique on bascule sur un fond traumatique intimiste. En conséquence de quoi, le concept de base d'une voiture démoniaque n'est qu'un artifice laissant en premier lieu un développement dramatique conséquent pour les protagonistes. L'entité fantastique bien que récurrente est un symbole métaphorique de la transition éprouvante de l'adolescence à l'âge adulte, représenté par Arnie, qui est un lycéen.



Elle a l'air d'une princesse mais le corps d'une pute.



Une description critique d'un jeune homme qui se sent mal dans sa peau, victime des attitudes égoïstes et violentes de ses camarades d'établissement scolaire ainsi que de son entourage. Une maltraitance éprouvante. C'est dans le passage à l'âge adulte qu'il trouve sa rédemption. Sauf que celle-ci prend une tournure de délivrance par le purgatoire et la damnation. Christine représente ce changement. Elle évoque la mutation du jeune homme. Elément intéressant : Carpenter met à nouveau en avant des adolescents, chose qu'il n'avait plus faite depuis "Halloween : La Nuit des masques(1978)". Si "Michael Myers" représente la punition divine tel un sida ambulant signifiant un avertissement auprès des jeunes ados voulant transgresser les règles via la sexe, l'alcool ou la drogue; ici les choses sont totalement différentes puisque Christine devient le moteur de cette émancipation.


Le film met en avant l'incompréhension et l'inefficacité éducative, sociétaire et parentale par une institution oppressante envers ceux estimé inférieur. Un cheminement transmis au travers d'une liaison amicale entre deux potes de lycée ayant grandi ensemble. L'un étant favorisé et l'autre diminué. La quête identitaire d'un jeune qui en grandissant va prendre sa revanche sur le monde qui si longtemps la mal traité. La narration joue un élément important car assez vulgaire et violente dans ses propos ramenant souvent les choses aux sexes comme pour bien démontrer cette obsession due à une explosion de phéromones. Ce qui n'empêche pas quelques dialogues profondément impactant.


Techniquement ce long métrage est exemplaire. Une leçon de mise en scène signée Carpenter. Il offre des cadres ingénieux sur des mouvements de caméra intelligent permettant de donner véritablement vie à cette voiture. La présentation de Christine se résume par une démonstration visuelle ingénieuse. Une mouvance intuitive qui tout du long va offrir une véritable personnalité au bolide. Un développement surprenant auquel participe la photographie ingénieuse de Donald M. Morgan, le montage brillant de Marion Rothmane, les décors austères de Daniel A. Lomino, jusqu'aux costumes de Darryl Levine. Une association qui va garantir un climat angoissant sur un objet inerte. Un véritable sens de la menace dû au pouvoir évocateur de l'image. C'est fort !



Je mors la poussière depuis trois semaines.



Le jeu de lumière est un élément très important avec des éclairages agressifs de la voiture, qui de ses phares lumineux transperce les ténèbres telle une faucheuse synonyme. L'animation du bolide lui confère une attitude prédatrice redoutable, tel un requin tournant autour de sa proie. Un requin indestructible capable de se régénérer indéfiniment. Un démon d'acier. On peut ressentir jusqu'à ses émotions, que ce soit l'amour, la rage, le chagrin, la jalousie... Un développement dramatique auquel on croit par le biais d'une complicité malaisante entre une voiture et son conducteur. Le coup de génie passe par l'autoradio, qui devient l'élément de communication de Christine. Par des tubes rock n'roll elle s'exprime. On a droit à du "Johnny Ace", "Little Richard" et même du "Buddy Holly". Associé au bruit sourd et puissant du moteur de la bête, celle-ci se retrouve dotée d'une âme.


Pour l'ost principale, on a droit à une superbe composition musicale de John Carpenter qui s'est pour l'occasion associé à Alan Howarth. On retrouve une musique synthétique obsédante, qui se trouve être la marque de fabrique du cinéaste. Une musique qui sonne tel un glas morbide. Un avertissement pour le pauvre bougre qui croiserait la route de Christine. Ne reste plus qu'à courir et prier pour échapper à la bête mécanique. Une partition saisissante aussi bien anxiogène que bouleversante. Capable de vous faire frissonner en suivant un cheminement ténébreux mortuaire. Capable de vous faire ressentir un amour malsain qui entraîne irrémédiablement à la fatalité. Une nouvelle composition de qualité pour Carpenter qui n'est plus à un coup d'essai.


Le casting est très bon. Personne ne surjoue. Chose rare pour un teenage movie de cette époque. Pour le rôle d'Arnie, c'est Keith Gordon qui s'y colle. Ayant une petite expérience de l'horreur pour sa participation dans Les dents de la mer 2, il réalise une performance puissante d'une crédibilité étonnante ! Il incarne un jeune homme fatigué de sa condition de looser. Il trouve du réconfort auprès de Christine qui va le transformer. La relation entre Arnie et Christine est sacrément réussite. Il est obsédé par elle, et elle par lui. Il l'aime profondément, jusqu'à la considérer comme une fille à part entière. Arnie devient paranoïaque et jaloux envers quiconque ose s'approcher d'elle. Ils se livrent à une élucubration de meurtre qui va les souder à jamais. Elle va permettre à Arnie d'exorciser toutes les années de maltraitance et de rabaissement accumulé durant sa vie de tous les jours.




  • On te laisse jouer au football cette année?

  • Oui les médecins disent que je suis comme neuf.



Christine est une Plymouth Fury 1958 rouge et blanche. Un modèle unique que plus d'un rêverait d'acquérir. Présenté au départ comme un démon insensible monté sur roues avec pour seul but de tuer, elle se révélera finalement dotée de sentiments. Un sentiment d'amour perceptible envers Arnie qui le lui rendra à 100%. La fascination d'Arnie envers Christine est équivalente à l'amour qu'elle lui porte. Par contre, attention les filles, Christine déteste la concurrence. Mesdames tenez-vous éloignées d'Arnie. Christine est autant inquiétante que diabolique et touchante. Lors des poursuites nocturnes elle fait flipper. Quand Arnie vient à mourir en caressant Christine, le temps d'un instant on a l'impression qu'elle pleure. Ce qui conduit à une confrontation finale sous tension où elle passe en mode "plus rien à foutre".


Le reste de la distribution est crédible. Le comédien John Stockwell, incarne "Dennis Guilder", le meilleur pote d'Arnie. Il est beau gosse, baraqué, honnête et bagarreur. Pourvu d'une sensibilité émouvante, il est totalement impuissant à ce qui arrive à son ami. Il va tenter autant que possible de freiner le basculement de son copain. Il est bien le seul à prendre totalement la mesure de cette voiture. Alexandra Paul incarne "Leigh Cabot". Pour son premier rôle, la comédienne s'en sort très bien. Elle est la seule fille à finalement aimé Arnie et à vouloir sortir avec lui. Elle l'accepte tel qu'il est, seulement elle est arrivée trop tard car Christine a déjà commencé son œuvre. La jeune fille devient donc une rivale à abattre. La pauvre Leigh se retrouvera plongée dans une situation hors normes à l'intérieur de Christine.


Comme très souvent, John Carpenter propose avec Christine une fin ouverte en s'achevant sur un doute infernal, à savoir si le monstre, créature, esprit, démon, en bref Christine à bien été battu. Une ambiguïté constante chez ce cinéaste qui comme dans ses œuvres "L'Antre de la folie", "The Thing", "Halloween 1978", "The Fog", "Prince of Darkness"...finit toujours sur une tonalité effrayante qui nous laisse songeur sur le véritable vainqueur de l'histoire. Une approche pour le moins intelligente car elle alimente le sentiment de peur et permet ainsi au film de perdurer dans l'esprit des spectateurs des années après. L'intelligence d'un cinéaste hors normes.



CONCLUSION :



Christine est une œuvre particulière dans la filmographie de Carpenter puisqu'elle est la résultante d'un échec commercial. Voulant prendre un peu de distance en choisissant un film plus simple avec un cahier des charges à suivre, il va finalement transcender le tout pour le remanier à sa sauce. Une proposition idéale offrant une véritable fusion entre le génie de John Carpenter et celui de Stephen King. En ressort un film d'horreur plus profond autour d'une histoire d'amour dérangeante qui vire à l'obsession dramatique entre un jeune homme et une voiture. La réalisation est parfaite, la bande-son macabre à souhait. Le génie est là.


Du grand Carpenter !



Il faut détruire Christine.


Créée

le 7 nov. 2018

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