Coraline vient d’emménager dans un vieil appartement sinistre au beau milieu de nulle part, que ses parents ont loué. Entre ses voisins bizarres et ses parents négligents, la jeune fille s’ennuie vite. Mais voilà que Wybie, son jeune voisin et petit-fils de la propriétaire, vient lui offrir une poupée, trouvée dans les malles de sa grand-mère, une poupée qui lui ressemble étrangement... Cette poupée va faire découvrir à Coraline un passage vers un monde merveilleux, où vivent des doubles de ses parents et voisins, qui, eux, se conduisent comme des parents attentifs et des voisins attentionnés. Mais si ce monde idéal cachait quelque chose de bien plus cruel ?
Premier film des studios Laika, connus également pour L’Etrange pouvoir de Norman, Les Boxtrolls, et Kubo et l’armure magique, Coraline marque la naissance d’un studio qui peut d’autant mieux laisser sa marque dans le paysage cinématographique contemporain qu’il propose quelque chose de radicalement différent de ce que la plupart des autres studios d’animations offrent au spectateur. En effet, dans la lignée de L’Etrange Noël de Monsieur Jack et de James et la pêche géante, tous deux réalisés par Henry Selick également, mais pour le compte de Tim Burton, Coraline est un des jalons de l'utilisation de la technique de l'animation en volume, autrement dit du stop-motion, pour l’intégralité d’un film d’animation.
Sur le plan technique, le film de Selick est donc déjà une petite merveille en soi, parvenant à nous faire régulièrement oublier que l’on n’est pas en train de regarder un film de synthèse, alors même que les personnages ne sont rien d'autres que des marionnettes. Sur le plan esthétique, l’influence burtonienne est encore extrêmement proche, et on a plusieurs fois l’impression d’assister à un film de Tim Burton en personne, tant l’atmosphère à la fois loufoque, fascinante et glaçante est proche de son style. Mais avant de basculer dans une dernière partie plus sombre et angoissante (plutôt réussie, par ailleurs), Selick parvient à équilibrer son film en nous offrant quelques scènes dont la féerie visuelle est renforcée par la formidable partition de Bruno Coulais, digne équivalent français de Danny Elfman. Sur un plan scénaristique enfin, on est à mi-chemin entre du Roald Dahl pour la magie et l’émerveillement qui se dégagent du récit ainsi que pour son humour bouffon, et du Burton pur pour sa poésie baroque et décalée, ainsi que pour la cruauté que n’hésite pas à distiller Selick dans son œuvre, introduisant un côté plus noir et plus mature.
Si le fond du film aurait pu être largement étoffé, que les designs des personnages se caractérisent par une outrance parfois trop poussée et que la noirceur du film coupe son accès aux plus jeunes, cela n’empêche toutefois pas les plus grands et les adultes de goûter avec un plaisir non dissimulé la magie, l’inventivité et la bizarrerie d’un film d’animation qui parvient à poser les bases d’un studio naissant qui n’a certainement pas fini de nous émerveiller.