Dark Star, film de fin d’études devenu un authentique long-métrage pour le cinéma, au parcours autant marqué par les opportunités que par les déconvenues, est un vrai OVNI. Certes, l’affubler de l’étiquette d’ « OVNI » alors qu’il s’agit d’un film de science-fiction se déroulant dans l’espace pourrait s’apparenter à une mauvaise blague, mais je vois mal comment on pourrait mieux définir ce qu’il est et ce qu’il représente. Car, bien qu’il soit plus que modeste par les moyens utilisés dans sa réalisation, il est riche en sources d’inspiration et a une vraie place dans l’histoire du cinéma, ou, en tout cas, dans la filmographie de John Carpenter. En effet, celui qui réalisera plus tard de vrais chefs d’oeuvre comme Assaut (1976) ou The Thing (1982) a déjà les idées très claires et ouvre déjà la voie aux futurs piliers de sa filmographie.
Tout d’abord, on constate dans Dark Star ce sens inné de la débrouille qui fait le charme de la plupart des films de John Carpenter. Le cinéaste parvient à tirer parti de ces contraintes pour donner du cachet à son film tout en restant fidèle à ses lignes directrices. On y constate également un sens de la dérision particulier, avec un curieux mélange de comique et d’horrifique, le tout dans un huis clos oppressant visant à explorer l’âme humaine et à proposer un discours sur notre civilisation, ce qui fera également partie intégrante de sa filmographie par la suite, notamment dans les Assaut (1976), The Thing (1982), Prince des Ténèbres (1987), L’Antre de la Folie (1995) ou même Ghosts of Mars (2001). Les personnages sont seuls dans ce vaisseau, loin de l’humanité pendant que les habitants de la Terre les considèrent presque comme des dieux. Pourtant, malgré leur proximité, ils semblent avoir rompu tout contact humain naturel et chaleureux. A travers la mise en images de ces éléments, c’est l’élaboration d’un manifeste de ce qui constituera l’ossature de la filmographie de Carpenter, tout en se permettant des clins d’œil et des références à ce qui l’a mené à passer derrière la caméra. Mais, au-delà de cela, Dark Star se situe dans un intrigant carrefour entre l’héritage et l’hommage à des œuvres passées, et l’avènement de futures œuvres marquantes.
Car Dark Star est certes une sorte de « film-embryon » de la filmographie de John Carpenter, mais il va notamment inspirer un film de science-fiction majeur des années 70. Si John Carpenter est bien crédité comme réalisateur du film, il a largement été aidé par Dan O’Bannon, notamment co-scénariste du film, et en charge des effets spéciaux, notamment de ce fameux « ballon de plage-alien ». Un personnage qui fait rire à travers son apparence, mais dont il se servira quelques années plus tard pour une autre créature imprévisible dans un film dont il écrira le scénario : Alien : Le huitième passager (1979). Par ailleurs, Dan O’Bannon participera également à la réalisation de certains effets spéciaux (notamment ceux des affichages digitaux) pour le Star Wars de George Lucas. En somme, il est intéressant de voir comment ce film contenant divers hommages (Howard Hawks, Docteur Folamour, 2001 : L’Odyssée de l’Espace, Destination… Lune !…) a pu, en quelque sorte, canaliser l’énergie de tous ces films et la faire rayonner par la suite.
Il va sans dire que Dark Star est une oeuvre tout à fait inégale dans sa qualité et son ton. D’abord réalisé pour durer quarante minutes, il a été rallongé et remanié pour durer une heure et quart. En conséquence, l’intrigue a une certaine propension à être alourdie par des longueurs qui empêchent le scénario d’être exploité avec une intensité suffisante. Naturellement, certains effets spéciaux ont de quoi faire sourire aujourd’hui, mais ils parviennent à exploiter les limites de ce qui se faisait à l’époque, le tout avec des moyens dérisoires. Dan O’Bannon disait de Dark Star qu’il pouvait être "le plus impressionnant des films d’étudiants" et qu’il est devenu "le moins impressionnant des films de professionnels". Cette petite tirade illustre bien l’écart entre les intentions et le résultat final, mais expose bien tout le potentiel des deux hommes, et, entre autres, de John Carpenter, qui est ici à l’orée d’une carrière riche en œuvres marquantes et en rebondissements.