Dogville, l'esprit du chien
Dogville
Montagnes rocheuses, une ville fantomatique, où l'on feint d'ouvrir ses portes et ses fenêtres, où les murs et les toits n'existent pas, rue de l'orme, une vieille mine, elm street, des cabanes de misère, 15 habitants, dont Thomas Edison qui apprécie la musique légère, on y lit Tom Sawyer, on organise des réunions pour un réarmement moral, on porte des bûches en attendant, il faut des permissions pour jouer de l'orgue, inutile de bêcher trop durement le sol, jouer aux dames avec Henson, écouter la foreuse préparant les fondations du nouveau pénitencier, le dernier prétexte pour approcher Liz, gérer les abîmes de désirs, on attend un cadeau, les esprits s'aiguisent, les présents ne sont que fort rares par ici.
Tom entendait des détonations du côté de Georgetown, assis sur « le banc de la vieille », il songeait narration, écriture, purification des esprits, accompagné du seul chien de la cité, Moïse, et ses aboiements mélangés à des grognements, qui anticipait une venue d'une autre nature, par les ravins. On pense qu'il est sage de se méfier de l'étranger, une forte récompense est prévue pour retrouver cette fille nommée Grace, qui ne faisait pas du tourisme, les refus d'accueil sont impolis, il faut légitimer son arrivée à Dogville, mais qui pourrait vouloir de cette fille, on débat de la nécessité de l'accepter, tout se passe bien ici, pourquoi bouleverser la quiétude des lieux ? Tout un galimatias d'imprécations, chacun déneige devant sa porte, on pense qu'elle est fugitive, recherchée par des gangsters, il faudrait la côtoyer pour savoir si c'est vrai, si elle fuit, si elle souffre, Jeremiah Maison vaque à ses activités stériles, on polisse des verres, on va au bordel, la lumière change quand on observe l'intruse, deux semaines pour démontrer quelques vertus, groseilliers en fleur, un carburateur en état, faire des ménages, vers Glunen Street, on y croise un aveugle, Mc Kay le vaniteux, « peut-elle l'aider ? » demande Grace. Personne n'est motivé devant ces services, une flèche en haut de la mission centre le « o » de ouvert, les moeurs de Dogville vont de la réserve concise à l'amabilité subtile, Martha en souffre, Grace lui conseille de l'aloès sur ses mains, c'est bon contre les blessures liées aux copeaux de bois, elle pourra désherber les groseilliers sauvages, ça ne sert à rien mais on teste la Grace. Sur la côte-est, la lumière est bonne, du côté de Georgetown, Vera n'a personne pour garder son bébé, Chuck n'aime pas cette fille, pourtant elle peut lire des histoires de cyclopes au garçonnet, « maudite Cannelle dans les groseilles », pire que Tom, les mêmes partout, voraces, avides, les vitraux de St-Bridget ne sont pas terribles, mal assortis. « Alpenglûhen », c'est la lumière renvoyée par les sommets après que le soleil se soit couché derrière les montagnes, elle ne passait plus pour certains, des allumettes, des cantiques, un dollar, un plan pour traverser la forêt et définitivement partir, 15 sur 15 des habitants sont partants pour qu'elle reste, Grace est acceptée, elle sert d'amie, de cerveau, d'yeux, de musicienne.
Depuis Canyon Road, un homme de loi en provient et débarque, annonce que Grace Margaret Mulligan est recherchée, des avis sont placardés dans tout le comté, flocons de pollen sur les rues, figurines de prorcelaine en toc, on la cache parce qu'elle a rendu Dogville encore plus agréable, c'est un prisme de brillance inégalé cette Grace, merci d'exister, Mulligan Margaret, mais au fil du temps et des débarquements policiers, la petite communauté demande désormais des compensations, pour parer à tout désagrément, une réduction de salaire est demandée, des heures supplémentaires sont exigées, c'est une mise en danger collective qu'implique la présence de Grace. Sarcler les pommiers, ne rien promettre, Jason demande des fessées désormais, pomme d'eden trop mûre, qui demande à chuter, Chuck veut « son respect », il force les fleurs à s'ouvrir, portées d'écureuils et ormes chimériques, viol de Grace, flirt pour la collectivité, le brouillard a triomphé, il faut refaire les colis, vider les testicules, passer la serpillère, récolter, Grace prend un camion de pommes et s'éloigne de son asservissement en direction de la lumière du jour, mais c'est retour à la case zéro, aux chaînes, les cloches seront tirées par les enfants à chaque nouveau viol, l'heure grise approche, plus de boue ni de vitre brisée, il serait bon de dire ce que l'on pense les uns des autres, quelles choses l'on aime ou pas en l'autre, comme l'arrogance, blâmer seulement les circonstances, alors qu'il s'agit juste d'une meute, qui obéit à sa laisse, on ne peut faire faire aucun progrès à un chien si on le laisse suivre sa nature, Grace est arrogante parce qu'elle comprend la faiblesse, rien de plus arrogant que de tout excuser, attitude qu'elle réfuterait pour elle-même, passage lunaire, quelle grille de lecture adopter, clémente où impitoyable, opter pour un asservissement soumis ou volontaire ?
Ils étaient bons et beaux, justes, vus de loin, elle aussi, il ne reste qu'un mirage éthique dans les consciences. Tuer les enfants, brûler la ville, ouvrir les rideaux, soleil rouge, le bon ordre, les belles apparences, les beaux inspirés, tout est à éliminer, seul survivant, l'esprit du chien.