Lars von Trier raconte l'Opéra de quatt'sous avec la voix off de Barry Lyndon et les chapitres de Winnie l'Ourson, et ça donne Dogville, film intéressant, parfois, mais pas complètement, hélas.

Sous prétexte de laisser le spectateur se concentrer sur le jeu et les dialogues, le tout est filmé sur une scène de théâtre avec les décors tracés à la craie. Bien sûr, c'est idiot, arrogant aussi, et ça donne l'effet contraire : à chaque fois qu'un type mimait une ouverture de porte, je sortais du film aussi sec.

Heureusement, le reste du temps, on arrive à faire abstraction et ça passe, il n'empêche que c'est inutile, mais bon, Lars a toujours apporté au cinéma les pires prétentions et les pires concepts imbéciles pour se démarquer comme à la cour de récréation, j'imagine qu'il faut faire avec...

Avec ça un beau casting, rien à dire, les vieilles gloires que sont Bacall, Caan et Gazzara côtoient la jeune génération : Kidman est plutôt bien et sa Grace stupéfiante souffre plus des défauts de son écriture que de son interprétation. Paul Bettany se voit offrir un rôle abominable, tant pis pour lui. On retrouve aussi les habitués de Lars, Stellan Skarsgard et Jean-Marc Barr, sans oublier Patricia Clarkson et Chloë Sevigny.

L'ensemble est plutôt de bonne tenue, même si, derrière les archétypes présentés manque la véritable profondeur. La leçon assénée par Lars est violente, forte, et ne souffre guère la subtilité. J'ai passé depuis longtemps l'âge de ce genre de leçons.

Les rares fois où Lars oublie de filmer en caméra à l'épaule (sans doute par peur de faire théâtre filmé, oui, c'est assez lourd, comme d'habitude) nous avons le droit à quelques plans superbes, vite enlaidis, bien sûr, par la hideur du propos, mais bon, saluons, ces jolis moments de lumière.

Lars von Trier me semble décidément être un cinéaste instinctif plus qu'intelligent, et cette lacune se révèle ici criarde. D'un conte qui aurait pu, aurait du viser à l'universalité, il enlève une partie de sa portée en insistant sur sa vision de l'Amérique, limitée tout le long du film à quelques clichés cinématographiques qu'on pouvait pardonner, mais appuyée tellement lourdement dans le générique final que ma légendaire bonne volonté fut durement prise à partie.

Je comprends très bien qu'on soit marqué par ce film, qui possède d'évidentes qualités. Moi-même j'ai suivi avec intérêt la plus grande partie du film, appréciant même le délicat basculement menant jusqu'à l'abjection. La suite du film m'a posé plus de problèmes, je l'avoue.

Une certaine forme de lassitude et un discours trop appuyé ne m'ont pas permis de voir la catharsis finale autrement que sous son aspect un peu grotesque, ne me sentant plus guère impliqué dans l'histoire.

La légèreté est un art précieux qui manque ici cruellement. Les ambitions affichées me semblent dépasser beaucoup trop les capacités de son auteur pour parvenir au chef d'oeuvre qu'il semblait vouloir être.

Heureusement, il y avait Vivaldi.

Vanitas vanitatum et omnia vanitas.

Créée

le 18 août 2011

Modifiée

le 28 août 2012

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Torpenn

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