Un vampire qui manque d'envergure
Le cinéma d’antan et moderne nous a tellement servi du vampire sur un plateau qu’il est devenu quasi automatique de voir débarquer dans les salles de nouveaux films sur le sujet avec la plus grande indifférence. Pour exemple ce mystérieux Dracula Untold, qui a commencé à se faire connaître du grand public quelques jours seulement avant sa sortie, à grand coup d’affiches dans le métro et de bandes-annonces sur Internet. Une énième histoire / version du plus célèbre suceur de sang qu’est le comte Dracula, une nouvelle fois à la sauce hollywoodienne, qui revient sur les origines du personnage. Bref, un long-métrage qui, pour se faire une place parmi les nombreux films attendus en octobre 2014, devait avoir quelques atouts en poche pour titiller notre attention.
Dès les premières minutes du film, un charme opère, notamment en ce qui concerne le visuel qu’offre le long-métrage. Avec Dracula Untold, on sent d’emblée qu’Universal voulait absolument livrer aux spectateurs autre chose qu’un blockbuster destiné à combler un vide dans l’agenda des sorties de la production (ce que le film semble pourtant être sur le papier). Si nous avons déjà vu mieux question effets numériques (surtout en ce qui concerne les plans sur l’armée turque), Dracula Untold arbore quelques trouvailles visuelles assez sympathiques (la transformation du personnage en une nuée de chauve-souris) et une allure léchée. Une photographie travaillée à telle point que celle-ci nous offre une ambiance et des décors qui lorgnent presque vers Le Seigneur des Anneaux de Peter Jackson. Voire même du roman graphique, offrant quelques plans qui permettent de mettre en valeur la légende qu’est Dracula (comme celui où le personnage grimpe une montagne à la force de ses mains, image assombrie, armure noire, cape rouge qui danse avec le vent...) tout en insufflant à l’ensemble une petite touche de majesté. Alors, quand s’ajoutent d’excellents costumes et l’agréable musique de Ramin Djawadi (connu du grand public pour avoir composé les partitions de la série Game of Thrones), nous ne pouvons qu’accrocher à ce divertissement.
L’autre point fort de Dracula Untold : son interprète principal. Jusque-là habitué des seconds rôles (Le Choc des Titans, Robin des Bois, Tamara Drewe, Les Immortels, Les Trois Mousquetaires, Fast and Furious 6, la trilogie du Hobbit), Luke Evans monte à nouveau d’un cran dans le paysage hollywoodien. S’il lui reste encore à prouver bien des choses en ce qui concerne son jeu d’acteur pour vraiment impressionner l’assistance, le comédien possède suffisamment de charisme pour rendre son personnage intéressant. Portant à lui seul le film sur ses épaules, mettant sur le banc de touche ses complices pourtant tout aussi connus que lui (Sarah Gadon, Dominic Cooper, Charles Dance) sans aucune difficulté. Si Dracula Untold n’arrive pas à s’imposer au box-office, il aura tout de même le mérite de mettre Luke Evans sur le devant de la scène et de lui offrir bien plus d’opportunités qui lui permettraient enfin de se démarquer. Son aura et son charme sauront ainsi attirer l’attention des réalisateurs !
Dit comme ça, Dracula Untold semble être une pépite que personne n’attendait. Honnêtement, il aurait pu mériter ce titre s’il avait été fait avec beaucoup plus de soin. Au lieu de cela, nous en sommes à nous dire qu’il est surprenant de voir qu’Universal n’ait pas tout fait pour éviter que ce film ayant coûté 100 millions de dollars soit un naufrage commercial prématuré. Déjà que la faible promotion soit en cause, la mauvaise qualité du scénario et de la mise en scène n’aide pas non plus ! S’il cherche à donner une origine au mythe Dracula selon l’œuvre même de Bram Stoker, reprenant bon nombres de détails déjà évoqués dans le livre (l’invasion des Turcs en Transylvanie, l’épouse déchue, l’incarnation de cette dernière…), Dracula Untold le fait surtout avec énormément de maladresses. D’accord, le script propose quelques idées qui peuvent donner un Dracula approfondi (le fait qu’il se sacrifie pour son peuple alors que celui-ci le rejette pour ce qu’il est, la trame concernant les enfants soldats des Turcs…). Mais les invraisemblances sont si nombreuses qu’il est quasiment impossible de ne pas grincer des dents devants certaines scènes et répliques : Dracula qui se tourne directement vers le maître vampire pour trouver un moyen de battre les Turcs, des personnages qui apparaissent et disparaissent en cours de route sans raison, Dracula qui nous est présenté comme un être sanguinaire (surnommé l’Empaleur, c’est pour dire !) et finalement montré comme un être bon et aimé… Sans oublier les airs de série B qu’arbore le film, via des séquences écrites à la va-vite (l’acheminement au duel final et son déroulement).
Gary Shore, quant à lui, gâche également tout ce qui a été mis en œuvre. Un parfait inconnu, qui ne semble pas avoir l’étoffe pour porter un tel projet de bout en bout. Notamment quand il est question d’action et de batailles (ces séquences sont filmées de manière hystérique, la caméra bougeant dans tous les sens, livrant des plans incroyablement illisibles). N’offrant aucune ampleur qui aurait pourtant été profitable pour Dracula Untold. D’autant plus que le montage n’est pas non plus à la hauteur, donnant l’impression que le film se présente à nous de la manière la plus incomplète qui soit. Comme s’il manquait une bonne demi-heure de film à l’ensemble, et ce à cause de séquences qui s’enchaînent un peu trop rapidement (voire qui sautent du coq à l’âne bien trop souvent).
Si Dracula Untold a quelques atouts en poche, il manque cruellement d’envergure pour être inoubliable. Dommage de dire cela d’un film qui se permettait d’avoir un style visuel assez travaillé et agréable à regarder. Mais le constat est là : Dracula Untold est une série B pondue trop rapidement par les producteurs, voulant surfer sur la mode des vampires sans s’être rendus compte que celle-ci avait perdu énormément d’impact depuis la saga cinématographique Twilight. En plus de passer inaperçu, Dracula Untold devra porter le titre d’énorme gâchis, surtout à la vue de son budget. Un long-métrage qui doit donc s’habituer à l’obscurité car il va y rester pour toujours…