Projet casse-gueule qui a vu le grand Alejandro Jodorowsky abandonner la production après que le budget ait grimpé des sommets, l'adaptation du roman culte de Frank Herbert est finalement reprise par le géant italien Dino de Laurentiis et Dune sort en 1984 après une production compliquée et une post-prod interminable où des reshoots et un remontage furent orchestrés en catastrophe. D'abord confié à Ridley Scott puis enfin à un David Lynch au départ peu enclin à s'immiscer dans la SF, le long-métrage reste aujourd'hui encore une œuvre singulière, aussi intrigante que rebutante...
L'histoire imaginée par Frank Herbert est complexe et l'adapter sur grand écran requérait pas mal de cran. Des planètes aux propriétés diverses, une substance permettant les voyages dans l'espace, des nomades aux rites anciens, des télépathes, des armes et costumes aux propriétés défiant la logique commune, des termes alambiqués par trentaine, des races et familles que tout oppose, des vers des sables, de puissants mutants dans des cuves... Autant d'éléments difficilement appréhensifs que l'on doit assimiler tandis qu'une intrigue politique et rocambolesque se déroule en parallèle. Même l'introduction et les voix-off rajoutées en post-production ne permettent pas totalement de comprendre toute l'étendue de l'univers de Dune.
En cela, le film reste difficilement abordable et rebute en bien des aspects. Pourtant, David Lynch arrive à nous maintenir en haleine grâce à une direction artistique dingue où le dépaysement est total : décors originaux d'Anthony Masters (qui s'était déjà occupé de ceux de 2001), costumes bariolés, maquillages et créatures repoussantes, scènes d'action multiples... Le réel point faible esthétique restant les effets spéciaux, clairement ratés et grossiers, même pour un film de 1984. Niveau interprétation, le casting est d'un éclat réjouissant avec une galerie d'acteurs sélectionnés sur le volet (Jürgen Prochnow, Max von Sydow, Sean Young, Everett McGill, Dean Stockwell, l'improbable présence de Sting et surtout Kyle MacLachlan, futur acteur fétiche de Lynch, ici dans son premier rôle) qui ajoutent une plus-value sans reste à un long-métrage épique mais également maladroit.
Tant par son rythme en dents de scie que par un montage véloce (notamment concernant le passage de Paul chez les Fremen et son ascension amenant à un final précipité), accentué par ces voix-off énervantes, le film peine clairement à rester limpide et on comprend aisément la volonté initiale de Jodorowsky de vouloir proposer un montage de plus de 10h. Toutefois, si la sauce ne prend pas continuellement, l'on se surprend à demeurer obnubilé par l'univers coloré et bizarre que Lynch offre à nos yeux. Oscillant ainsi constamment entre le kitch risible et l'émerveillement visuel, Dune reste d'une étonnante richesse, une fascinante épopée spatiale hors du commun qui, sans être un chef-d’œuvre, a le mérite d'essayer d'adapter un roman impossible avec une certaine audace.