Pour une poignée de dollars, nous avions assisté à la dévastation d'un village perdu dans le désert du sud des Etats-Unis, tiraillé entre deux clans tyranniques. Et pour quelques dollars de plus, le sang et la sueur vont de nouveau ruisseler dans ces contrées reculées où la survie est une question de chaque instant.


Retour dans les vastes contrées du far west, quelque part dans le Nouveau-Mexique. Un cavalier sifflote en avançant sur sa monture au beau milieu de nulle part. Nous l'entendons de très près, mais nous le voyons de très loin. Soudain, un coup de feu. L'homme s'effondre, et le cheval s'enfuit. Le générique se lance alors, avec l'image de ce cadavre seul dans cette immensité. Le ton est donné : le don est omniprésent, et la sentence peut tomber à tout moment. Pour une poignée de dollars était déjà axé sur l'argent, ne serait-ce que par son titre, et pour les sommes que recevait notamment le héros qui jouait sur deux tableaux tout au long de l'intrigue. Et pour quelques dollars de plus le fait en mettant en avant les fameuses primes "mort ou vif" mises sur la tête de bandits notoires pour encourager leur arrestation ou, tout simplement, leur élimination. Nous retrouvons un héros solitaire, toujours incarné par Clint Eastwood. Si l'apparence et l'attitude des deux personnages qu'il incarne dans les deux films sont identiques, on ne peut affirmer qu'il s'agit bien d'un seul et même homme.


La remarque peut également être faite à l'égard de Gian Maria Volontè, qui embarque à nouveau dans le rôle du grand méchant de l'histoire, lui aussi dans un rôle similaire à celui qu'il tenait dans le film précédent. Le spectateur attentif remarquera d'ailleurs qu'il retrouvera bien d'autres visages familiers, notamment parmi les hommes de main d'El Indio, ce grand bandit que cherche Manco, le personnage principal du film. Cependant, cette fois, il y a un troisième homme, en la personne de Mortimer, incarné par Lee Van Cleef. D'abord pris pour un révérend, dans sa tenue noire, le visage caché par la Bible qu'il lisait alors, il s'agit également d'un chasseur de prime. Son chemin croisera, bien sûr, celui de Manco, qui n'appréciera d'abord que bien peu la présence de cet intrus avant, une fois que les deux hommes ont pu se défier et discuter, qu'ils puissent s'accorder sur un but commun : venir à bout d'El Indio pour toucher l'énorme prime mise sur sa tête. Et pour quelques dollars de plus fait de l'argent le nerf de la guerre, quelque chose de plus fort que la loi, montrant que tout a une valeur financière, y compris une vie humaine.


Nous retrouvons, ainsi, ce que nous avions observé dans Pour une poignée de dollars, avec des ressorts scénaristiques assez similaires, et les mêmes points d'intérêt. L'intrigue, en soi, est très simple, avec la poursuite de ce bandit, le casse, et les affrontements et jeux de rôle qui en résultent. Et pour quelques dollars de plus se présente comme une extension du film précédent, étendant les réflexions proposées par ce dernier, toujours en allant puiser dans le film noir pour, à l'inverse de ces derniers, proposer quelque chose de bien plus solaire et solennel. Nous avons beau assister aux pires bassesses, à observer l'humain dans ce qu'il a de plus sombre, tout a une certaine grandeur face à la caméra de Leone.


Ces visages qui suent à vue d’œil, ce grain d'image, cette observation des personnages, ces regards et, surtout, la maîtrise du temps. Car le cinéma est avant tout une question de temps, et c'est quelque chose que Sergio Leone a très bien compris. Les plans sont toujours soigneusement construits et agencés, et ils durent autant de temps qu'il le faut, c'est à dire le plus longtemps possible pour que le regard du spectateur se promène dans le cadre et y puise toute l'essence de l'image. Leone dilate le temps, il l'étend, non pas à outrance, mais suffisamment pour capturer le moment, et le faire durer pour lui donner de la force. Car, comme dans le film précédent, c'est surtout l'image qui parle, à travers ces regards qui communiquent sans dire mot, et dressent les portraits des personnages.


Et pour quelques dollars de plus, c'est, aussi, bien sûr, la seconde collaboration de Sergio Leone avec Ennio Morricone, qui abandonne le nom d'emprunt "Dan Savio" pour ce nouveau film. Le compositeur reprend l'esprit de la musique du film précédent,  donnant encore plus de grandeur à un film qui en avait déjà. Comment oublier la sublime mélodie de la montre, si belle, teintée de douleur et de tristesse, si évocatrice ? Les noms ont peut-être changé, mais les visages ont demeuré, comme si Leone voulait garder ces visages pour raconter un nouveau conte, et faire du cinéma dans le cinéma. Une nouvelle fois, la beauté des images frappent, par leur pureté, mais aussi par leur force, revenant à un langage cinématographique proche des origines, où tout est question de regards, de gestes et de mouvement. Le temps s'est comme figé, et la légende demeure.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

Créée

le 2 déc. 2020

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