- Les hommes meurent jeunes par ici. Et toi, combien de temps comptes-tu survivre ?
- Mmm... Bien plus longtemps que ça. Dès que j'aurais mis la main sur Indio et les 10 000$, je m'achèterai un petit endroit, peut-être que je prendrai ma retraite.
- Bon, je ne veux pas te provoquer, mais tu oublies un petit détail.
- Lequel ?
- Je veux aussi mettre la main sur Indio.
- Bien sûr... mais après moi.
- Ou avant. Ou en même temps.
- C'est une offre ?
- Mm-hmm. Associés à parts égales.
Après "Pour une poignée de dollars..." le cinéaste Sergio Leone revient avec "...Et pour quelques dollars de plus", deuxième film de la Trilogie du Dollar, et on peut dire qu'il ne fait pas les choses à moitié. Ce long-métrage représente une étape importante et essentielle pour son réalisateur qui trouve là tout son éclat dans une oeuvre brillamment révolutionnaire, amenant son lot de violence et de brutalité dans une approche sérieuse, tout en maintenant une certaine espièglerie ironiquement amusante. Un véritable coup de poing montrant tout le génie du cinéaste à travers le style visuel fascinant et impressionnant dans lequel il dépeint la brutalité de son récit et la spiritualité de celui-ci. "Et pour quelques dollars de plus" est une oeuvre incontournable sous tous ses aspects, apportant un changement monumental dans le genre western, se rapprochant de la perfection. Un chef-d'oeuvre qui ne démérite pas.
On reprend les mêmes et on recommence ! On recommence mais sans tomber dans le piège de la redite, avec une proposition plus forte, complexe, et dramatique, nous plongeant davantage dans le trauma et le psychisme des personnages, amenant une profondeur et une consonance ampliative. L'intrigue est intelligemment construite, faisant progresser et réunir les trois personnages principaux de manière habile. Dans un premier temps on suit l'introduction des trois personnages principaux avec le colonel Douglas Mortimer (Lee Van Cleef), Monco alias l'Homme sans nom (Clint Eastwood) et El Indio (Gian Maria Volontè). Trois personnages charismatiques que Sergio Leone façonne brillamment sans en laisser un de côté, promettant une réunion finale à la hauteur de l'évènement. Le rythme, est superbement géré, on ne s'ennuie à aucun moment. Aucune scène ne semble en trop, chaque dialogue est à sa place, l'action arrive toujours au bon moment, les personnages sont vivants, l'atmosphère est prenante et lourde, certaines péripéties amusantes, l'esprit Leonien est à son paroxysme.
Avec cette réalisation somptueusement dingue Leone s'approprie une fois encore le vocabulaire et la grammaire du langage cinématographique westernien, confirmant son talent incroyable et par là même celui de son indispensable équipe technique et distribution avec lesquels ils transcendent le genre par des choix artistiques et techniques authentiques. Une mise en scène incroyablement stylisé, présentant un style visuel déterminant et distinctif, amenant une succession de plans étonnants via un puissant contraste dans les divers cadrages et gros plans. Une iconographie du plan partant du sol à l'horizon, magnifiant les images liées au décor naturel et riche de l'Almeria espagnole, avec ses terres arides de cette province d'Andalousie permettant une reconstitution de l'Ouest crédible. Les séquences de flash-backs sont habilement projeté à travers les regards divergent et fantasmé d'El Indio.
Dans cette construction délibérément authentique, amenant une accumulation de tension intelligemment tissée avec de l'ironie pour rendre le contenu solide à travers divers symboles et autres lourdes ambiances, les séquences d'action atteignent pleinement leur puissance notamment lors des phases de duel qui sont épiques. Un véritable culte du flingue, dans lequel Leone extériorise tout son talent dans un puissant, impressionnant, violent et brutal ballet de la mort. Avec sa caméra Leone scrute, observe et jauge au plus près les visages transpirants de ses personnages, l'étincelle perçant de leur regard, les mains tremblantes prêtes à dégainer. Le temps s'immobilise, l'espace se rétrécit, la silhouette grossit peu à peu, les souffles sont bloqués, chacun affute son esprit, jusqu'à ce que la mort retentisse. La partition d'Ennio Morricone amenant toujours plus de texture et de nuance lors des phases de confrontation. Un superbe mélange transmettant à coup sur le frisson.
Là ou la vie n'avait pas de valeur, la mort, parfois, avait son prix. C'est pour cela que les chaseurs de prime sont apparus.
La musique d'Ennio Morricone est une fois encore incroyable, amenant toujours plus de fond et d'identité aux oeuvres de Leone. Le style de Morricone déjà introduits dans Pour une poignée de dollars, s'améliore pour prendre encore plus de place via une explosion de titres percutants. Morricone excelle à rendre ses partitions pleinement vivantes, devenant un acteur à part entière, capable de créer bon nombre de sentiment et de pulsion atmosphérique. Des partitions mêlant subtilement le désespoir à la tristesse traduit par le cadre austère et isolé des villes; l'intrépidité de la dure vie solitaire des chasseurs de primes via des tonalités musicales d'ironie; et le profond désarroi morbide de l'esprit torturé d'El Indio incarné par la mélodie de la montre à gousset qu'il porte avec lui.
De nombreuses scènes cultes, qu'il serait trop long à toutes énuméré. Il y en a trois qui me reviennent constamment en tête :
- Premièrement : la confrontation entre Monco et le colonel Douglas Mortimer qui ne manque pas d'originalité et d'hilarité. Un combat de coq, où chacun essaye d'impressionner l'autre afin de le faire quitter la ville et par là même la trace du gibier. Deux chasseurs pour un gibier, il y en a forcément un de trop.
- Deuxièmement : le premier duel d'El Indio contre celui qui l'a trahi et fait enfermé. La tension lors de ce duel et à son comble, l'air est irrespirable, El Indio montre durant cette scène son talent de tireur mais aussi toute sa cruauté.
- Troisièmement : la confrontation finale entre El Indio et le colonel Douglas Mortimer. Un duel dramatiquement puissant avec en fond la fameuse mélodie triste, amenant énormément d'ambiance et de fond au récit.
Je retiens également l'échange final ironique entre Manco et le colonel Douglas Mortimer, le flashback fantomatique et fantasmé d'El Indio qui montre son obsession et sa décadence mentale, le premier duel du colonel Douglas Mortimer, le... rahhhhhh il y en a trop !
Les trois comédiens principaux sont monstrueux, la palme revenant sans l'ombre d'un doute à Gian Maria Volontè et Lee Van Cleef, même si Clint Eastwood ne démérite absolument pas dans le rôle de Monco l'Homme sans nom. S'il est toujours aussi cool de retrouver Clint un cigare à la bouche avec son fameux poncho et son côté mystérieux que l'on connaissait déjà depuis "Pour une pognée de dollars", fort est de constater qu'on fait vite le tour du personnage, paraissant bien plus vide en comparaison de la dramaturgie profonde des personnages incarnés par ses deux autres compagnons Volontè et Van Cleef. Malgré tout, je reste fan de Monco l'Homme sans nom. Lee Van Cleef est tout bonnement génial dans le rôle du colonel Douglas Mortimer, pour ce premier rôle majeur dans le western le comédien frappe fort. Un personnage qui visuellement à de l'allure avec son chapeau et costume noir, sa pipe, et ses nombreuses armes toutes plus cool les unes des autres. Avec son sourire tranchant et son regard perçant il apporte un côté spirituel et intelligent très appréciable. À noter que le duo qu'il forme avec l'Homme sans nom est excellent et ambigu. S'associant parfois ensemble, parfois l'un contre l'autre, les deux chasseurs de primes se battent pour des causes différentes, mais certainement pour le même objectif : "El Indio".
Gian Maria Volontè, Gian Maria Volontè, Gian Maria Volontè... La performance de Gian Maria Volontè dans le rôle d'El Indio est parfaitement diabolique et authentique. Un charisme indéniable, une incarnation totale, Volontè marque définitivement le rôle de l'antagoniste dans le western. Il traduit une forme de psychose obsédante, fascinante et frissonnante, créant une inquiétante et puissante aura mêlé de désespoir, une véritable entité du mal, sous une forme finalement très humaine et inhumaine à la fois. Que ce soit dans Pour une poignée de dollar, Et pour quelques dollars de plus, ou encore Le Dernier face à face (le top du top), Volontè réussit brillamment à traduire une sacrée palette émotive, parvenant à mettre l'accent sous bien des formes de cruauté, de tourment, de tristesse et de folie. Gian Maria Volontè est totalement possédé par son personnage, chaque séquence où il apparaît est automatiquement culte. Je n'oublie pas les nombreux autres rôles qui sont tous très bien incarnés avec des grands acteurs tels que Mara Krup, Panos Papadopulos, Aldo Sambrell, Benito Stefanelli, Luigi Pistilli, Mario Brega... Mention spéciale pour Klaus Kinski dans le rôle du bossu Juan Wild, soldat d'El Indio.
CONCLUSION :
Sergio Leone présente avec "Et pour quelques dollars de plus" la combinaison en tout point parfaite pour livrer un grand western. Un véritable chef-d'œuvre brillamment illustré autant dans la forme que le fond. Un grand film avec une grande équipe technique, de grands comédiens, un grand compositeur et un grand réalisateur, et puis il y a dans une toute autre catégorie...
...Gian Maria Volontè, Gian Maria Volontè, Gian Maria Volontè...
- Je sais que tu n'aimes pas les questions, Indio, mais pourquoi fais-tu ça ?
- Nino, quand t'es-tu rendu compte que Monco était chasseur de prime ?
- Je l'ai appris ce soir, pourquoi ?
- Je l'ai su dès son arrivée. L'autre aussi est un chasseur de prime. Voici l'idée. Nous allons nous servir d'eux. Nous allons essayer. Ces hommes sont meilleurs tireurs que les miens. Alors, laissons-les tous s'entre-tuer. Ça n'aura aucune importance. Ni pour moi, ni pour toi. Parce que nous serons loin, pas vrai ? Et nous aurons le butin.