Depuis quelques années, le cinéma ibérique est fécond d’une production de films d’angoisse sur le thème de la confrontation entre monde des vivants et celui des morts. Mais bien plus que de s’attarder sur un filon sur exploité, les jeunes cinéastes qui s’y collent renouvellent ambitieusement le genre, dont le fleuron n’est autre que « Les autres » de Alejandro Amenabar.
Moins esthétique, intemporel et stylisé que ce dernier, « Fragile » s’ancre résolument dans notre univers quotidien où la peur repose sur la superstition masquant nos propres névroses. Et c’est là toute l’ambition du film.
Amy, l’infirmière de nuit échoue dans cet hôpital sinistre et délabré, comme un noyé qui veut sortir de l’eau : à bout de souffle, hystérique et moralement brisée. Plus réceptive à la mort qu’à la vie, elle se pose donc en victime idéale. Elle devra subir bien des épreuves pour revenir à la surface.
Et tout le scénario repose sur cet élément clé. Plus on avance plus elle trouve les forces de lutter face à un démon intérieur qui la ronge. L’angoisse est présente à chaque instant grâce à des cadrages tantôt très resserrés confinant les personnages dans ces lieux austères ou des plans larges teintés d’ombre et de lumière jouant sur les perspectives.
Les acteurs confèrent aussi au film des accents de transe. Calista Flockhart, très éloignée de son personnage d’Ally Mc Beal, nous joue une Amy à la Tippi Hedren des « Oiseaux » et se révèle parfaite. Quant à Yasmin Murphy dans le rôle de la petite Maggie, elle est surprenante et troublante.
Dire que ce film méritait l’excellent accueil que lui a réservé Gérardmer, il a eu quatre prix, n’est pas un vain mot. Par contre on s’explique mal qu’il ne soit pas sorti en salle, là où d’autre «nanars » du genre le sont. Une œuvre impressionnante à découvrir.