Suite à une riche et faste carrière musicale, Jacques Brel a décidé, en 1967, de se consacrer au théâtre et cinéma et c'est en 1971 qu'il écrit et met en scène son premier film Franz, où il nous emmène dans le Nord pour y suivre la naissance d'une relation amoureuse dans une maison de repos.
En voilà un objet bien bizarre que ce premier film réalisé par l'immense Jacques Brel, dont je ne cache pas mon admiration. Débutant comme une comédie presque surréaliste, Franz devient peu à peu romantique et tragique où Brel, personnage un peu simplet, marqué par la guerre mais ô combien attachant et une mystérieuse Barbara tomberont amoureux. Il dresse un portrait tendre, voire un peu naïf de ce couple naissant que l'on va apprendre à connaitre pour finir par s'y attacher jusqu'à en devenir bouleversant.
La force de ce couple, c'est de faire face aux regards moqueurs et bêtes des humains l'entourant, créant l'empathie pour ces gens-là et renforçant l'attachement pour le couple principal. Si son personnage est un peu simplet, Brel va montrer que la véritable bêtise, et même cruauté humaine, est ailleurs, d'abord chez ses "amis" puis avec sa mère. Il évoque tout simplement l'humain, sa psychologie et les répercussions des actes de ceux-ci, et c'est avec une vraie tendresse mais aussi intelligence qu'il le fait, faisant ressortir toute la richesse et surtout l'émotion de son récit, à l'image de la bouleversante dernière partie.
Derrière la caméra, le poète flamand se montre inspiré, n'hésitant pas à se rapprocher d'un ton onirique. Le rythme est lent mais il nous imprègne de l'atmosphère, d'abord nordique puis un peu folle et enfin tragique, où un soupçon de mélancolie plane sur l'ensemble de l'oeuvre. Il donne vie aux personnages où aucun ne laisse indifférent tandis qu'il capte à merveille le contexte, les décors du film et la mer du nord. Plusieurs scènes sont magnifiques voire même lyriques à l'image des séquences en bord de plage où le réalisme est mêlé à une vraie beauté plastique. Brel est parfait et d'un naturel surprenant dans ce rôle difficile tandis que Barbara garde tout le long une part de mystère et fait aussi ressortir toute l'émotion de son personnage. À noter aussi une magnifique bande-originale, composée par Jacques Brel et François Rauberqui sonne toujours juste et colle parfaitement à l'image.
C'est réellement dommage que ce film n'ait pas marché à sa sortie tant Brel donne de la puissance et de la sensibilité à une histoire touchante, réaliste et prenante où l'amour doit faire face à la bêtise humaine.