On a tous persisté
On avait décidé de passer notre chemin, après l’expérience collective assez désastreuse du volet précédent. Mais un des cinéphiles en moi, l’optimiste a tout de même entraîné les autres ; comme...
le 11 avr. 2019
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Il y a quelque chose de profondément navrant avec le cinéma d'M. Night Shyamalan : incapable de sortir plus d'un bon film en dix ans, il semblait revenir, avec la surprise Split, au succès de ses débuts. Annonciateur d'une révolution à venir, son univers cinématographique partagé, Unbreakable, Split et Glass réunis ne sont finalement qu'une nouvelle trilogie douteuse, à laquelle on ne saurait trouver de sens à l’appellation de Shyamalan Cinematic Universe.
C'est certes sympathique de se dire que le réalisateur tant apprécié de Sixième Sens aura pensé à tout pendant dix ans, qu'il aura lié ses films pour un tout logique; comment peut-on alors parler d'univers partagé s'il n'y a que trois films de liés sur une carrière? Il est bien sympa de réunir les points A et B sympathiques de son entre-carrière, mais que faire alors des autres points plus discrets, les bis situés entre Incassable et Split? Que dire de la publicité After Earth, du grotesque Phénomènes, du mal réputé Maître de l'air?
Comment parler d'univers cinématographique Shyamalan s'il n'est pas même capable avec Glass de le perpétuer sans le détruire, d'apporter quelque chose de neuf à son propre cinéma vieillissant? Vieillissant dans son écriture et sa mise en scène certes, mais principalement vieillissant pour ses twists éventés, qui auront passé leur date de péremption depuis la sortie de Signes et Village. Split l'avait compris, cela, en considérant sa seule révélation finale comme l'apparition de Bruce Willis en scène post-générique, façon Marvel, sans le talent commercial.
C'est qu'il promettait énormément, ce Glass : réunion de deux très bons films, possibilité pour son auteur/réalisateur de revenir sur le devant de la scène avec, enfin, des oeuvres de profonde qualité. Shyamalan me fait ainsi penser à ces hommes ayant tout pour réussir, et qui parviennent tout de même à tout gâcher. L'on dirait, à suivre cette banale histoire d'hospitalisation remplie de petits détails inutiles rallongeant l'expérience pour la rendre un peu plus haletante (tandis que c'est complètement raté), qu'il aurait perdu le contrôle de son entreprise, et serait parti en roue libre sans jamais trop savoir quoi raconter.
Incassable et Split se suffisaient à eux-mêmes par la puissance évocatrice de leur fin ouverte, bien avant que n'intervienne la scène post-générique du dernier; s'il fallait les réunir, ce devait être pour une bonne raison, avec un but d'élargissement de l'univers précis, et de développement de ses personnages. Plutôt que de le faire, Shyamalan dévoile ses défauts les plus anciens à travers ses personnages/personnalités aussi vieillissants que son art, notamment par le biais d'un Samuel Jackson très mauvais.
Mr Glass de son nom de personnage incarne, à n'en pas douter, la volonté qu'à l'artiste de sortir des twists perpétuels, toujours plus originaux, toujours plus méta; celui du train, visiblement passe-partout, en témoignera mieux que n'importe quelle explication. Il représente également sa passion pour la mise en abîme au travers d'une rencontre deux arts qu'il aime, le cinéma et les comics, qui passe par un flot ininterrompu de paroles et de répliques prétentieuses, où l'on expliquera ce qui se passe à l'écran en faisant un parallèle avec les comics, laissant une drôle d'impression d'aura pompeuse à l'oeuvre.
Jamais suffisamment sincère pour qu'on y croit, cette entreprise de comics dans le film trouve son apogée durant un combat final affreusement filmé, amorcé par les paroles ridicules de Jackson, obligé de revenir sur les délires prétentieux d'un Shyamalan qui en fait décidément beaucoup trop pour être seulement considéré comme crédible, et s'enferme dans ses personnalités obsolètes jusqu'à en créer de nouvelles, jamais présentées jusqu'alors et seulement insérées par des plans horriblement téléphonés, avec la grâce d'un éléphant qui écrase des roses et la beauté d'une marre de boue qu'on écrase en courant.
A Jackson s'ajoute son némésis, un Bruce Willis amaigri, barbu, figure paternelle tranquille et charismatique; il fait penser à la mise en scène ancienne de Shyamalan, surtout celle d'Incassable, par sa linéarité toute en présence, en efficacité. N'attendez ni interprétation particulière ni développement de son personnage, ce David Dunn ne brille à aucun moment, si ce n'est peut-être au premier combat contre La Bête, encore qu'on se concentrera dessus face à la déception qu'aura laissée sa conclusion ratée.
Une Bête reprise en main par le même McAvoy en roue libre que pour le premier film, représentation parfaite de l'égo surdimensionné de son réalisateur qui continue les effets prétentieux, les alliant aux répliques mauvaises d'un Jackson qu'il pensait, pourtant, suffisamment intelligentes pour ne donner que ce trait de caractère au personnage principal du film (si l'on en croit ce titre mensonger) : Glass.
Entre deux concours de la personnalité qui jouera le mieux, McAvoy domine la scène jusqu'à cette séquence ratée de trop vouloir en faire, où la prétention de l'auteur se couple parfaitement avec l'ennui du spectateur : plusieurs minutes de flashs intempestifs et d'un James McAvoy démontrant son panel d'acteur, qui change de personnalité à chaque flash avec ce côté toujours trop démonstratif d'un Shyamalan désireux de te balancer à la gueule combien ses acteurs sont les meilleurs au monde.
Réduit à sa plus simple expression, le personnage de la Bête, pourtant seul être intéressant de cette conclusion, nous amène paradoxalement sur l'un des pires éléments du film, l'évolution poussive d'Anya Taylor-Joy qui aura découvert qu'elle a le pouvoir de l'amour en elle, et que, finalement, avoir de l'empathie pour Kevin ne suffisait pas : il faut se la toucher sur une ultime scène de regard amoureux, style drame shakespearien sur elle qui se force à pleurer et McAvoy en plein cabotinage et, tandis qu'il en fait des caisses comme jamais, alterne, pour une nouvelle et dernière fois, les différentes personnalités de Kevin, séquence pathos au point d'en devenir grotesque.
Il n'y aura cependant aucun personnage pour représenter la pauvreté d'une mise en scène que sa promotion vendait comme nouvelle dans le style de son réalisateur. L'on retiendra un ou deux plans, le visuel du passage de réunion des protagonistes (déjà montré en mieux sur ses affiches promotionnelles), et cette fin bâclée, ratée, qui si elle va à l'encontre de ce qu'on pouvait attendre, le fait suffisamment mal pour qu'on se demande, à l'échéance, si Shyamalan ne s'est pas volontairement débarrassé d'un joli projet qui prenait beaucoup trop d'ampleur.
Du gâchis.
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Créée
le 22 août 2019
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