Bravo Julia ! Tu voulais nous attendrir, faire de nous des complices du mal des hommes et tu nous as bien eu... Faut dire qu'on ne peut résister à Justine, la gentille et bonne élève de la famille française faussement banale. Son apparente innocence, son apparence enfantine nous ont trompés et nous voilà coupables ! Nous avons beau ne pas avoir goûté à ce rein de lapin cru, nous sommes tout autant contaminés. Quoi ? Vous allez me dire que votre ventre n'a pas gémi face aux images déroutantes de réalisme qu'on nous a crûment montré ? Vous allez me dire que vous n'avez pas ressenti pour Justine une certaine compréhension. Je ne fais pas référence au sang mais au cadrage et à la lumière qui font de chaque scène gore quelque chose qui se veut normal alors que ça nous titille les entrailles.


[Peut spoiler légèrement]
Comment ne pas ressortir chamboulé de la salle obscure après être passé du rire à l'angoisse, du dégoût à l'envie ? C'est vrai qu'on a l'habitude des zombies, des créatures fictives qui nous dévorent sans scrupule et gratuitement en plus, mais là ça n'a rien à voir. Non, là il s'agit d'une jeune fille dont le besoin insatiable, presque vital et incontrôlable est de manger de la chaire humaine. Le parallèle avec les vampires est assez facile à faire mais il n'est pas aussi impactant. Car oui, les cannibales existent. On pense le cannibalisme comme un fléau qu'on préfère ignorer et associer à des tribus lointaines "non-civilisées" pendant que Julia Ducournau en fait un sujet de société, un moyen de traiter l'humanité qui est faite de choix et de morale certes, mais aussi d'instincts et d'envies. Pour une fois, le cannibale n'est pas notre ennemi comme c'est le cas dans Cannibal Holocauste ou dans Green Inferno, puisque c'est Justine, une fille bienveillante, douce et irréprochable qui l'incarne. Le cadre de l'école vétérinaire est pour moi très bien choisi : le monde de la médecine qui rappelle que le cannibalisme est un mal qu'on essai de soigner ; le monde animal qui met sur un pied d'égalité l'homme et la bête qui finalement sont deux morceaux de viandes ; la mort pesante, cachée mais bien présente à travers les cadavres d'animaux... Cette école est froide, hostile et bizarre, elle apparaît comme une menace jusqu'à ce que se révèle en Justine la vraie menace.


On ne connaissait que peu Julia Ducournau qui finalement fait surgir de nul part un long métrage horrifique glauque (bien qu'elle n'aime pas les films glauques, je dois dire qu'il l'est !) français avec triomphe. Je sais que je vais m'intéresser de près à ce qu'elle produira dans le futur et à ce qu'elle a déjà fait auparavant : Mange, Junior. Dans son rôle Garance Marillier (Justine) est irréprochable. On croit tantôt à sa pureté (tant sexuelle que criminelle) tantôt à sa sauvagerie. Les scènes bestiales la métamorphosent au fur-et-à-mesure du métrage, qui se déroule par étape, à tel point qu'on ne la reconnait plus jusqu'à la scène finale où l'on se retrouve nez-à-nez avec la Justine du début, le Justine apeurée. Ella Rumpf (Alexia) est tout aussi bonne dans son rôle de grande soeur dévergondée et sûre d'elle. Le lien des deux soeurs est d'ailleurs finement établie et tellement réaliste. Quant à Rabah Naït Oufella (Adrien), il est convaincant dans sa dualité de 'grand frère' et de sex-friend.
Mention spéciale à la bande-son hypnotique et cruellement pénétrante. Elle a le don de rendre l'acting dérangeant à outrance.


Rassurez-vous, personne ne devient cannibale en visionnant ce film (enfin je crois...) et même si c'était le cas, je pense qu'il faudrait quand même tenter l'expérience. J'en convient que ça peut être difficile de maintenir le regard sur certaines scènes, néanmoins ce film c'est bien plus que du sang et du sale, c'est une réflexion nouvelle totalement anthropologique. Au pire si vous devenez amateur d'être humain, c'est pas GRAVE.

abauteure
8
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le 21 mars 2017

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