Ce film biographique retrace les dernières années de la vie de l'immense Guy de Maupassant. Ce qui fait que ce n'est pas un écrivain au sommet de sa gloire, capable de donner une œuvre abondante en peu de temps, que l'on voit, mais un être qui n'est plus que l'ombre de lui-même, incapable de poser sur le papier le moindre mot, essayant de se rattacher désespérément à quelques tristes restes d'une virilité passée, qui lui avait permis de s'assouvir dans de nombreux exploits sportifs et dans une carrière de coureur de jupons effréné. Un homme qui est diminué implacablement au fur et à mesure que la syphilis lui gangrène le corps et lui asphyxie l'esprit.
Au lieu de l'hagiographie sur un artiste incroyablement doué, pour ne pas dire génial, on a la promesse d'un être tragique à l'existence de météore. Et cela aurait pu fonctionner, donner une œuvre émouvante et intense. Donc, il ne me viendrait pas l'idée de reprocher à Michel Drach d'avoir choisi de raconter ceci au lieu de cela.
Problème, ben, c'est raté tout simplement. Le film avait été à sa sortie un bide public et critique. Il suffit de le regarder pour savoir pourquoi.
La raison qui apparaît inévitablement en premier, c'est que Claude Brasseur est une erreur de distribution. D'accord, il joue un être exubérant, bon vivant, qui a profité pleinement du peu de temps de son passage terrestre, mais ce n'est pas une raison d'occulter toute subtilité, toute retenue, de se contenter de cabotiner, de hurler tout du long. On a plus l'impression de quelqu'un qui se regarde jouer que de quelqu'un qui est le personnage dans toutes ses nuances, dans toute sa complexité.
Pour continuer avec les acteurs, ben c'est bien beau d'en mettre de prestigieux, mais encore aurait-il fallu penser à leur donner quelque chose de consistant, si ce n'est à les diriger.
Simone Signoret (dans son dernier rôle au cinéma !) est en mode automatique, ne dégageant pas la moindre émotion. Pourtant, c'est le portrait d'une femme qui a vu ses deux fils finir enfermés dans un asile. Une situation déchirante qui ne demandait qu'à être sublimée par une des plus grandes comédiennes de cinéma qui soit.
Miou-Miou n'a rien à défendre, car on lui fait toujours jouer la même chose à chaque fois qu'elle apparaît. Véronique Genest passe d'amour moqueur de jeunesse à amoureuse obsessive et jalouse sans explication, sans que rien ne soit creusé. Catherine Frot (dans un de ses premiers rôles sur le grand écran !), en prostituée inspiration de Mouche, est peu à l'aise et ne peut qu'en faire trop. Globalement, les femmes ici sont juste résumées à montrer leur chatte (il serait un peu hypocrite de dire que c'est totalement déplaisant !) et à glousser ou au contraire à faire la tronche. Mouais...
Les hommes, même habillés, ne sont guère mieux gâtés. Daniel Gélin fait de la figuration en père cavaleur et endetté de l'auteur. Le protagoniste n'arrête pas de dire que Gustave Flaubert lui a apporté énormément dans son existence. D'accord, mais montrer pourquoi aurait été bien.
Seul Jean Carmet, en majordome dévoué, témoin impuissant de la décrépitude de son maître, parvient à se distinguer et évite ainsi au film d'être complètement un navet.
Autrement, c'est désespérément bavard. Il n'y a rien qui ne soit surligné jusqu'à l'overdose par les dialogues. Une image vaut mille mots n'a pas du tout cours dans ce film.
Pour la fin, autour de la mort du personnage principal, Drach veut se faire passer pour trop original en faisant dans le felliniesque. Ouais, mais il y a un certain Bob Fosse (Dans All That Jazz, si vous vous demandez à quoi je fais référence. C'est toujours une bonne occasion de mentionner un grand film !) qui l'avait déjà fait et ce serait un euphémisme de dire que ce dernier avait été nettement plus créatif et virtuose dans le domaine.
Ah oui, même Georges Delerue, oui, le maestro digne des cimes où logent aussi les Morricone ou les Jarre, fait le minimum syndical, notamment pour une composition en se contentant de réorchestrer autrement le thème "Une petite île" (magnifique d'ailleurs !) du Truffaut Les Deux Anglaises et le Continent, tout en essayant de faire passer ça pour du neuf.
Bref, la seule chose qu'il y a de plus immense que le ratage de ce film, c'est le talent éternel et universel de son sujet.