Spike Jonze a débuté sa carrière comme photographe et cela transpire de chaque plan de "Her"; le travail sur les couleurs (champ chromatique allant du jaune au rouge en passant par le rose, l'orange), les formes. La maîtrise de l'espace est aussi très impressionnante, tout est très aerien et la lumière est cristalline, Jonze est ici bien épaulé par Hoyte van Hoytema, le directeur de la photographie ayant à son actif Interstellar et 007Spectre.
On dit souvent qu'une œuvre est forcément autobiographique, cela prend tout son sens dans ce film qui peut être présenté comme une réponse/lettre ouverte au film de son ex-épouse Sophia Coppola *Lost in Translation *. C'est en tout cas l'angle "d'attaque " que j'ai choisi tant cela m'a paru évident.
Les deux réalisateurs et moi même partageons une passion commune: Scarlett Johansson et les manières qu'ils auront de l'utiliser sont totalement différentes et personnelles. Une très picturale, avec une perruque et une culotte roses et une autre seulement orale (même si la voix de Scarlett a été rajoutée après la post-production car Jonze n'aimait pas le résultat avec la précédente actrice).
La voix de la blonde plantureuse nous transporte littéralement et son timbre si particulier vient contraster avec la majorité qui ne voient l'actrice que comme un "corps" (demandez à Woody ou voir Under the Skin). On comprend mieux pourquoi l'actrice s'est mise à la chanson (écouter Relator avec Pete Yorn) et dans le film aussi elle compose et pousse meme la chansonnette avec brio.
Le film Her interagit donc avec Lost in Translation comme une réponse à celui-ci avec un message en filigrane: le divorce n'est pas la fin de l'amour mais potentiellement le début d'un autre, le mariage serait par conséquent une phase d'apprentissage peu importe que la fin soit heureuse ou malheureuse.
Les deux films partagent nombre de similitudes, en premier lieu la solitude des protagonistes, dans une énorme mégalopole (Tokyo chez Coppola/un mix entre Shanghaï et Los Angeles chez Jonze) comme écrasés par la skyline de ces immenses buildings.
Le personnage joué par Joachin Phoenix écrit des lettres très émouvantes pour des inconnus, il connait donc les ressorts sentimentaux des autres mais pas les siens. Son ex femme lui fait d'ailleurs remarquer qu'il choisit la facilité en s'engageant dans une relation virtuelle. Il avouera lui même plus tard: "I don't know what I want, I'm always lost, always confused." Le mouvement vers la rencontre aura la même source dans les deux films, il naîtra des difficultés à dormir chez nos héros (fameuse scène d'ouverture avec la culotte dans Lost in Translation/recherche nocturne de partenaire sur le net dans Her).
On perçoit chez les personnages principaux des deux réalisateurs, comme une volonté de se démarquer, de s'extirper d'une foule aseptisée et formatée. Le personnage d'Amy Adams rejoint aussi totalement cette idée, elle qui vient de rompre, déçoit ses parent mais s'en contrefiche (du moins elle essaie). On ne sera donc pas surpris de la voir finir avec Theodore Twombly dans le dernier plan du film, plan renvoyant directement à celui dans l'ascenseur avec la tête de Scarlett Johansson sur l'épaule de Bill Murray, une des images les plus connues du film Lost in Translation
Le métier de Théodore Twombly est loin d'être anodin, Her répondant comme une lettre à Lost in Translation, comme une façon pour Spike Jonze de dire à son ex épouse Sophia Coppola qu'on se marie, on se sépare mais ce n'est jamais une perte de temps. On apprend sur l'autre, sur soi pour enfin savoir ce qu'on aime (ou pas), ce qu'on veut et ce à quoi on aspire. Un message d'amour donc.
@ voir absolument (et en profiter pour revoir le sublime Lost in Translation)