Certes. Ce n'est pas du Bresson , mais ça y ressemble quand même furieusement, dans le minimalisme et l'austérité surtout. Alors oui, une femme douce...
Voilà une jeune femme dont l'horizon se limite aux bornes d'un couvent , et qui découvre la vie l'espace de quelques jours précédant ses voeux perpétuels. Plutôt que d'être l'émerveillement, tout n'est que source de terreur, d'affolement, d'incompréhension de sa part.
Le cinéaste la cadre pour cela dans des plans fixes qui semblent sans fin, immenses, les paysages comme les intérieurs. Elle et sa tante Wanda (magnifique Agata Kulesza) n'occupent le plus souvent qu'une toute partie de ce cadre, et que ce soit pour l'une ou pour l'autre, on sent le désarroi, le détachement par rapport à la vie qui les entoure.
Le format 1.37 et ce noir et blanc très dépouillé (en temps de neige qui plus est), nous remettent idéalement dans l'époque des années 60, et dans ce que pouvait être une vie polonaise de ces années-là. L'extrême gravité de la "queston juive" est tout à fait palpable, les années rouges aussi.
Il est intéressant de suivre la progression de la relation entre nièce et tante, relation qui trouve son apothéose dans une scène très poignante sur la "tombe" de leurs chers disparus... Ida semble se réincarner très fugitivement pour prendre en charge sa tante encore plus vulnérable qu'elle au regard de ce passé douloureux.
D'autres moments fugaces la rappellent à sa chair : l'écoute de (très beaux) morceaux de Coltrane joués entre autre par un jeune homme tombé amoureux d'elle, la vision du corps d'une camarade de noviciat , moulé sous la robe qu'elle ne doit pas quitter même pour la douche, etc. Un rien pourrait la faire basculer, mais ce rien n'est pas facile à apprivoiser. A la fin , Bach lui susurre - comme dans Nymphomaniac, tiens, tiens - , ich rufe zu dir Herr Jesu Christ (je t'appelle seigneur Jésus Christ), tel un moineau perdu dans l'immensité du monde.
Un vrai film d'art plutôt que d'essai, tant chaque plan provoque des émotions indicibles, incontrôlables.