Il était une fois dans l'Ouest est peut-être moins généreux que Le bon la brute et le truand en termes de punchlines et scènes cultes, "lacunes" - j'insiste sur les crochets - toutefois compensées par une ambiance absolument unique, masculine, crépusculaire (prépusculaire ?). Tout d'abord grâce aux acteurs, plus que jamais flamboyants. Jason Robards assure le show, Henry Fonda fait le job (encore que je le place en dessous, j'ai toujours eu un peu de mal avec cet acteur, en dépit de qualités évidentes, d'autant qu'il a une sorte de regard bienveillant qui ne colle pas vraiment au personnage cette fois, m'est avis). La cerise sur le gâteau étant la délicieuse Claudia Cardinale. Mais surtout, Harmonica, ses yeux de vipère, ses instruments de musique et de mort. Un serpent à sonate.
Avare de mots, le gars barreur troue les gabardines hagardes jusqu'ici avides de bagarre. Leur regard vide, le teint blafard, tombent comme des cafards, constatant avec un train de retard qu'ils ne possèdent nullement l'art de l'Harmonica. Car c'est bien Charles, seul à la barre, qui mène la gabare. Et Claudia le voit. Autour de Cardinale, de riches lieux. Et un trio d'hommes qui lui tournent autour de la poupe et ce faisant, embarquent dans une belle galère. Les trois mousses queutards. Mais il y en a un qui se détache. Lui, l'homme à l'harmonica. Ses longs silences, sa stature, ce roc au regard aussi chaleureux que glacial, et en toutes circonstances, perçant. Elle, plantureuse, marchandise ultime pour nombre d'hommes, objet de tant de convoitises sous ses airs de fille sage que seul son regard revolver trahit. Un détail. Les cons voient-ils seulement, tandis que sur les rails, les convois tisent ? C'era una volta il West, c'est un morceau de bravoure, d'anthologie, de mythologie. Seul contre tous. Le plus grand/le dernier grand western diront certains. Taiseux et le Minou torve.
Tandis que notre héros se réserve la pièce de choix en guise de final en apothéose, Leone a décidé d'envoyer du lourd dès les premières minutes, par le biais d'une introduction longue et déjà épique. Il en profite pour appliquer le conseil de l'excellent Tuco Benedicto Pacifico Juan Maria Ramirez: «when you shoot, shoot, don't talk». A tel point que le film est incroyablement lent, dénué de dialogues de longues séquences durant. Ce qui aurait pu s'avérer casse-gueule si quelqu'un d'autre que le grand Sergio était derrière la caméra. L'avantage ici, c'est qu'il a tout loisir de mettre en place des jeux de regards (celui de Bronson, je me répète mais il est incroyable !), une foultitude de détails sur tous les plans, et de lancer la magistrale partoche de Morricone au meilleur moment possible. Sa science du cadre et sa capacité à nous embarquer dans une histoire somme toute assez simple, à la rencontre de personnages ultra charismatiques et immédiatement attachants, fait le reste.
Inutile d'en dire plus, tant l'exercice est accompli à la perfection. Pas un pet de travers, pas un plan foireux ni même inutile. Juste des images à couper le souffle, trois heures durant ou presque. Si je préfère le rythme plus enlevé et les répliques de l'autre chef d'oeuvre de Sergio Leone (comment ça, il n'en a pas tourné que deux ?), en ce qui concerne le contentement de mes portugaises, le western de 1968 rafle la mise. Typiquement le genre de bande originale dont on ne se lasse pas, qui fait corps avec le film mais s'écoute parfaitement en dehors. Et puis Il était une fois dans l'Ouest, c'est un peu une démonstration de force tranquille de la part de celui qui devint l'un des héros de ma jeunesse, lorsqu'auprès de ceux de mon père, mes yeux encore performants découvraient cet acteur taciturne qui incarna Paul Kersey ou encore un certain Chaney. Comme ces yeux-là me manquent parfois...