En à peine 15 ans, Christopher Nolan s'est battit une très grosse réputation à Hollywood. Depuis son ingénieux Memento en 2000 il a en 7 Films accumulé plus de 3.5 milliards de dollars au Box-Office mondial. Nolan est devenu LE réalisateur le plus suivi d'Hollywood. L'un des seuls à pouvoir lever du spectateur en masse sur un scénario original (cf Inception).
Pour moi comme pour beaucoup, il y a toujours cependant eut dans le cinéma de Nolan une espèce d'antipathie, faute à un manque de subtilité dans des scénarios boursouflés et sur-explicatifs.
Je ne pense pas que Nolan soit un grand réalisateur, et je ne pense pas qu'il le sera même un jour. Cependant, il est indéniable qu'au fil des années la machine mise en oeuvre dans chacun de ses films a fait plus ou moins mouche. Plus pour Inception, Memento et le Prestige, moins pour l'horrible trilogie Batman (mais bon là encore, question de goût...).
Si on classera volontiers Interstellar dans les plus, ce ne sera pas sans hurler une nouvelle fois tout ce que l'on peut reprocher au cinéma de Nolan.
Pour simplifier, on retrouve ici tous les défauts de Inception un cran au dessus. En pièce montée. Avec de la crème.
Comme pour Inception, Nolan veut en dire trop. On constatera d'ailleurs incrédule à quel point le film peut faire autant de raccourcis sur une durée de pourtant 2h50. Dans le monde d'Interstellar, on a une idée, et dans le plan d'après on exécute immédiatement cette idée. Pourquoi pas, dirons certains, ça donne au film un côté straight-forward par forcément désagréable et à l'aventure un certain rythme. En vérité, on aurait bien ici la matière pour une série en plusieurs épisodes. Résultat nombre de détails semblent étrangement passer à la trappe, comme par exemple la construction d'une vraie ambiance post-apocalyptique de la Terre, qui malgré trois pauvres nuages de poussière de temps en temps, ne semble pas vraiment si mal en point. Ou encore l'immense manque ressenti par la non évocation du destin du reste de l'humanité qui semble être réduite ici au village où vivent les personnages. Encore, une fois Monsieur Nolan, trop de matière tue la matière...
Quand Nolan lui-même en vient à comparer Interstellar à 2001 (y compris en le référençant outrageusement dans le film), on se dit que quelque chose cloche sérieusement sur le regard qu'il porte sur son oeuvre. 2001 et Interstellar, pour reprendre Samuel dans Pulp Fiction "It's not the same ballpark, it ain't the same league, it ain't even the same fuckin' sport".
Oui, car dans Interstellar Nolan retombe dans le plus systématique de ses travers : il nous explique son scénario. Certaines scènes sonnent complètement faux, citons par exemple Romilly qui nous explique le concept du trou de ver avec son papier. Mais pas seulement, tout au long du film Cooper (Matthew McConaughey) n'aura de cesse de reformuler ce qu'il comprend - en réalité ce que Nolan veut que l'on comprenne - pour s'assurer en permanence que tout le monde a compris avant de passer à l'étape suivante du scénario. Cela dénote d'un manque absolu de génie de la part de Nolan, si on avait besoin de se l'entendre dire une nouvelle fois après 7 films. Et c'est là que la comparaison avec 2001 fait très mal. Si en 1968 Kubrick nous offrait un univers des possibles et des interprétations infinies qui passionnent les cinéphiles depuis des décennies, en 2014, Nolan lui nous offre à "comprendre". Pas d'interprétation ici, Nolan a écrit son scénario, a tourné son film en suivant ce scénario, et à nous, maintenant, pauvre spectateur de comprendre de quoi il en retourne. En somme, c'est de l'anti-cinéma.
Le problème c'est qu'au vu du scénario, du genre et des thèmes abordés, la vision Nolanienne de l'espace parait vraiment hors-sujet. D'une part la complexité infinie de l'ensemble se heurte régulièrement à sa volonté de tout nous expliquer. D'autre part, quand soudainement dans ce monde du tout-expliqué une chose est laissée à notre interprétation, il apparaît qu'elle a en fait été totalement abandonnée par le réalisateur. Le Time Magazine résume très bien la chose : Nolan's reach occasionally exceeds his grasp. C'est exactement ça. Nolan veut tout contenir, tout nous expliquer, mais le sujet du film ne lui permet absolument pas de le faire.
Après difficile de dire que l'expérience n'est pas grisante. Malgré ses travers, le film reste passionnant. On a une vraie impression de partir en voyage dans une autre galaxie, surtout grâce à un production design, une direction artistique et des effets spéciaux du feu de dieu. Ponctuellement, des scènes de suspense viendront également vous clouer sur votre siège (la première planète, la scène du docking). Une nouvelle fois, difficile de ne pas avouer que la machine ne fonctionne pas et ce malgré les dialogues bas du plafond, les yeux globuleux de Anne Hathaway et la thématique finale sur la scientifisation de l'amour particulièrement irritante.
En somme avec Interstellar, Nolan continue son petit bonhomme de chemin en nous livrant à nouveau une expérience grisante et épique. Mais antipathique.