Après une très longue attente, Bong Joon-Ho ferme enfin la marche à ses compatriotes Kim Jee-Woon et Park Chan-Wook, ayant eux-mêmes plus tôt dans l’année réalisé chacun leur opus plutôt décevants à Hollywood. Mais avec son casting et équipe internationale, son tournage en République Tchèque pile entre la Corée et les États-Unis, et surtout la liberté semble-t-il totale laissé à Bong sur la production, Le Transperceneige n’a plus vraiment d’airs de produit Hollywoodien. C’est en effet tout autre chose…

Et c’est de là que vient la première surprise au vu du résultat final : le refus total et constant de verser inutilement dans le spectaculaire. À y regarder de plus près et même en terme de ressenti, ce Transperceneige peut même se targuer d’être le film le plus personnel et sérieux de son auteur, malgré son statut de film de Science-Fiction à gros budget. Si les films coréens de cette envergure, ont, depuis le début des années 2000, toujours eu ce vilain relent de milestone forcé, de « première fois » un peu trop fière, on n’a jamais un tel sentiment à la vue de ce Transperceneige. Les effets spéciaux sont en nombre raisonnable, la rare spectacularité des quelques scènes d’action n’est jamais ostentatoire ni putassière et sert toujours l’histoire de manière intelligente.

C’est un peu ce qui ressort du film : l’intelligence suprême du traitement. Bien aidé par une bande dessinée française à l’idée de départ très forte : un train à « castes » qui reproduit un modèle social, Bong trouve dans ce concept un terrain d’une largeur conséquente, malgré la taille réduite des wagons, à son immense talent. Le postulat spatial du film s’avère parfaitement rendu et exploité par l’histoire. Le scénario bien écrit et le rythme de grande qualité finissent de compléter le tableau pour que le cœur du film s’exprime : la métaphore politique. La dernière partie, à ce sujet, restera vraiment dans les mémoires pour la qualité et la force de ses enjeux dramatiques.

Au niveaux des acteurs, Chris Evans s'avère plutôt bon en leader hésitant. Le reste du casting est quant à lui tout aussi convaincant et la plupart des personnages arrivent plutôt bien à exister. Notons cependant un miscast incroyable pour le garde de corps du personnage de Tilda Swinton, qui se voit octroyer pas loin de 20 minutes à l’écran sans aucun dialogue, ni charisme (il s’agit semble-t-il du roumain Vlad Ivanov mais rien n’est moins sûr, car étant doté du charisme d’une moule, j’ai du mal à me souvenir de sa tête et le retrouver).

Si on s’intéresse de plus près au reste des défauts (assez nombreux), on se rendra compte que finalement, très souvent, le film n’est pas loin de se casser la gueule, du fait d’abord de la difficulté de rendre en image le concept sur support filmique. On regrettera par exemple de ne pas sentir plus la longueur du train et de son nombre de passagers (la BD décrit un train à « 1001 wagons »), qui aurait pu servir à plus de crédibilité au microcosme décrit comme une vraie société. Le paradigme spatial limite quant à lui grandement la lisibilité des scènes d’actions, souvent brouillons (plutôt Batman Begins que Bourne Trilogy). Quant à la lourdeur du sujet du film, il adviendra à chacun de l’apprécier ou non, sachant qu’il s’agit du principal intérêt.

Bien qu’il pourra être qualifié de trop sérieux (malgré le personnage de Tilda Swinton assez poilant), de trop sombre et même parfois d’un peu prétentieux, n'hésitant pas à multiplier les longues scènes de dialogue, et se mettant dans ce sens dans une situation plutôt dangereuse quant aux potentiels résultats au box-office (l’avenir nous le dira mais le film est en l'état assez peu digeste pour le spectateur lambda), Le Transperceneige s’avère une réussite assez miraculeuse qui prouve que décidément, Bong a un train d’avance sur ses comparses Park Chan-Wook et Kim Jee-Woon. Un résultat incroyable qui restera sûrement dans les mémoires, et peut être même dans celles du cinéma.

Update : Le film a battu des records de vitesse d'affluence en Corée avec 4 millions de spectateurs en seulement une semaine d'exploitation.

Update 2 : Le film termine sa carrière à 9 328 871 spectateurs en Corée. Belle perf !
bdipascale
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2013, Les meilleurs films coréens, Les meilleurs films de science-fiction et Les meilleurs films des années 2010

Créée

le 24 juil. 2013

Critique lue 3.7K fois

49 j'aime

6 commentaires

bdipascale

Écrit par

Critique lue 3.7K fois

49
6

D'autres avis sur Snowpiercer - Le Transperceneige

Snowpiercer - Le Transperceneige
Strangelove
8

I like Trains !

Comment vous expliquez cela ? Comment vous exprimer toute l'excitation qui est la mienne à la sortie de ce film ? Je l'attendais vraiment énormément. Certes moins que Gravity. Mais au final, le film...

le 30 oct. 2013

170 j'aime

27

Snowpiercer - Le Transperceneige
Sergent_Pepper
5

Notre train (train) quotidien

Face à Snowpiercer, deux choix s’offrent au cinéphile : voir un blockbuster de qualité, ou voir le décevant nouveau film de Bong Joon-Ho. Pour peu qu’on m’ait trainé dans un cinéma pour un film...

le 9 déc. 2013

152 j'aime

20

Snowpiercer - Le Transperceneige
Gand-Alf
8

L'esprit dans la machine.

A l'instar de ses compatriotes Park Chan-Wook et Kim Jee-Woon, le sud-coréen Bong Joon-Ho tente à son tour de séduire le marché international avec cette co-production entre la Corée du Sud, les USA...

le 15 nov. 2013

127 j'aime

3

Du même critique

Snowpiercer - Le Transperceneige
bdipascale
9

Un train d’avance

Après une très longue attente, Bong Joon-Ho ferme enfin la marche à ses compatriotes Kim Jee-Woon et Park Chan-Wook, ayant eux-mêmes plus tôt dans l’année réalisé chacun leur opus plutôt décevants à...

le 24 juil. 2013

49 j'aime

6

Detachment
bdipascale
4

Pleure, je le veux !

Il y a dans Detachment la volonté de trop en dire. En réalité, on a bien ici la matière pour faire un film de 3h. Le problème, c'est que 3h de side stories diverses condensé en 1h37, ça donne un...

le 5 févr. 2012

47 j'aime

5

Jack Reacher
bdipascale
5

La droite décomplexée

Jack Reacher est un dur. Jack Reacher est un vrai. Jack Reacher en a vu dans sa vie, et même si il fait que 1m70 il peut démolir facilement 5 types trois fois plus gros que lui. Adapté d’une série de...

le 29 déc. 2012

38 j'aime

2