Comment vous expliquez cela ? Comment vous exprimer toute l'excitation qui est la mienne à la sortie de ce film ?
Je l'attendais vraiment énormément. Certes moins que Gravity. Mais au final, le film de Bong Joon-Ho m'a laissé sur le cul. Tellement que j'ai oublié que je devais finir Castaway on the moon...
Pourtant je partais avec des à prioris assez violents et assez injustes. Comment ne pas pensez que Bong Joon-Ho vendait son âme au diable en cédant aux sirènes d'Hollywood ? Le nom de Chris Evans en tête d'affiche ne faisait que renforcer ce sentiment. J'ai eu très peur vous savez. Mon cœur battait fort. 30 secondes à passer des logos de production, mon cœur s'accélère. Mon énervement grimpe, j'aime pas quand ça commence ainsi. Et le film commence.
John Hurt est venu pour son fric ? Peut-être. Ed Harris aussi ? Possible. Mais au final, on s'en fout. Oui on s'en secoue sévèrement l'asperge parce que le patron, celui qui domine le film de la tête et des épaules, ce n'est pas un acteur. C'est le réalisateur. D'entrée, on sent toute sa maîtrise. Tel un grand jeu d'échecs, il avance ses pions, il prend son temps pour instaurer un ambiance que je trouve géniale, glauque et oppressante à la fois. Il nous place aux côtés de ces "queutards", les autres, les sales, les démunis. On se retrouve pris dans un engrenage infini, un cycle perpétuel qui se renouvelle à chaque porte ouverte. Et, un peu à l'image du bateau d'Apocalypse Now, plus on avance vers l'utopie, le but ultime, l'avant du train, plus on avance dans l'horreur et la folie humaine. Non, la mise en scène de ce film n'est pas maîtrisée, elle est parfaite, le réalisateur la perfectionnant plan après plan, scène après scène.
Et puis bordel, ce qu'il arrive à faire pour Chris Evans tient du miracle. Non, dans ce film, Chris Evans ne sauve pas l'humanité, la bannière étoilée sur le torse. Non. Ici, Chris Evans tient un rôle, un vrai. Il est dur, mais fait également preuve d'une énorme tendresse à certains moments, ce qui fait franchement plaisir à voir. Les seconds rôles sont là pour le paysage, mais ce sont les pions essentiels, utilisés pour le bien de l'intrigue.
Et Song Kang-Ho tient la baraque, sa première apparition dans le film, relevant carrément du génie, jouant l'ahuri, le simple devant tous ces grands d'Hollywood. J'adore.
J'avais peur de me retrouver face à un énième film traitant de la lutte des classes. Oubliez cela, ça n'intéresse pas Bong Joon-Ho. Il a beaucoup mieux en magasin. Alors oui, je vous vois venir, certes il souligne une différence flagrante entre les passagers de l'avant et de l'arrière blablabla... Mes chers amis, rassurez vous, ceci n'est qu'une couverture pour quelque chose de bien mieux, de bien trash et de bien plus intéressant. Le manichéisme ce n'est pas pour lui et on ne peut que lui donner raison. Après tout, s'il y a bien des riches et des pauvres et que l'on suit d'abord les plus démunis, on se retrouve vite face à une question tout à fait légitime : jusqu'où un homme est-il prêt à aller pour atteindre un idéal ? Quitte à ce que cette quête ne soit qu'une énigme, un écran de fumée. Il y a certaines décisions qui doivent être prises, et ce, même si les conséquences sont désastreuses.
Notamment lors de cette partie finale qui est très dure en termes d'acceptation pour le spectateur et qui m'a laissé bouche bée. Ceci est une expression bien sur, car je n'arrivais pas à fermer la mienne. J'étais totalement happé par le film, par le propos qui se déroulait devant nous. On se rend compte que cette révolution ne rime à rien. Nous mentons nous ? A quoi aura-t-elle servi au final ?
Il est très compliqué d'écrire sans spoiler sur un film comme celui là, tant le propos final du film est important et porte à discussions.
Je n'ai au final que très peu de regrets. Cette violence cachée malgré la puissance des coups et les armes utilisées, m'a un peu embêtés, surtout quand on connaît le bonhomme et l'univers dans lequel il nous place. Tilda Swinton m'a bien fait marrer mais saoulé au bout d'un moment également.
Mais, à côté de ça, il nous gratifie de moments absolument jouissifs, violents, absurde (mais ô combien fabuleux) et même comiques à de nombreuses reprises. Avec des séquences absolument fantastiques comme celle de la salle de classe qui nous fait basculer dans un tout autre monde. Un exemple parfait de la maîtrise du film, la tension monte tout doucement pour éclater par la suite. On ne voit rien venir et on se rend compte, au final, que l'on traverse le film totalement à l'aveugle à la manière du train traçant sa route indéfiniment.
Le train, machine construite par l'homme, sauveur de l'humanité. Le train, théâtre des événements, devient un personnage plus qu'effrayant, un engin effroyable, voyant naître des enfants qu'il avale goulûment par la suite. Et puis cette fin, mon dieu cette fin.
Snowpiercer n'est finalement pas du tout ce à quoi j'aurais pu m'attendre. Mes préjugés se sont envolés bien vite et ont laissé place à de l'admiration. Oui j'admire ce que fait, et a fait, Bong Joon-Ho, réalisateur de génie, ceci est maintenant définitif.
Oh que oui je me suis bien planté.
Et même si Memories of Murder reste son chef d'oeuvre, ce film est grand, Bong Joon-Ho est grand, et à côté, Hollywood paraît bien loin et bien petit.