Ivan IV, dit le Terrible en France ou le Redoutable chez les Russes, premier tsar de Russie, veut faire de la Russie la 3ème Rome, réunifier et moderniser le pays qui en a bien besoin . Il doit également lutter contre les ennemis extérieurs et contre ceux de l'intérieur (les boyards et le clergé). C'est la base historique du film qui comporte pourtant des approximations dans les détails. Des historiens du cinéma ont pensé qu'Eisenstein voulait s'attirer les bonnes graces du petit père des Peuples en faisant d'Ivan le Terrible un modèle de Staline. C'est oublier la seconde partie où Ivan sombre dans la paranoïa et où Eisenstein fait une sorte d'auto-analyse. En fait Ivan le Terrible n'a que des liens indirects avec le contexte de son époque de création et n'est pas vraiment un film de propagande même si l'acteur communiste Nikolaï Tcherkassov a été imposé par le pouvoir.
Le début du film qui représente le couronnement du tsar montre les ors de la liturgie alliés aux fastes du pouvoir absolu.
Les prêtres ont revêtu chasubles, phélonions, omophorions et épitrachelions. Deux officiants déversent sur le tsar de Moscou une pluie de pièces d'or. Les plans rapprochés montrent une galerie de boyards jaloux ou apeurés aux visages disgracieux ouvrant des grands yeux brillants de convoitise. Mais un boyard dépasse tous les autres en laideur et en perfidie, regardant la scène de ses yeux révulsés. C'est le(la) méchant(e) du film. Il s'agit en fait d'Efrossinia, la tante du tsar, toujours accompagnée de son fils Vladimir, le cousin plus qu'à moitié demeuré d'Ivan. Efrossinia est l'instigatrice de tous les complots, et son rôle est, fait surprenant vu sa laideur, réellement tenu par une femme. Un autre personnage malfaisant est le métropolite Pimène. Sa ressemblance avec Saruman le Blanc (Christopher Lee) est frappante.
Un réseau de corridors qui sont reliés entre eux par des portes basses représente un Kremlin propice aux rumeurs, aux complots et aux tentatives d'assassinats. Les boyards et les prêtres qui baissent la tête pour sortir des pièces sont semblables à des rats. La tante d'Ivan Efrossinia, vêtue de noir, cachée sans bouger dans un recoin, ressemble à une grosse araignée venimeuse qui attend sa proie.
Il y a des moments de bravoure dans Ivan le Terrible comme la prise de Kazan sur les Tatars grâce au courage des soldats russes. Ou le jeu d'ombres expressionniste avec, immense sur le mur, la tête à la barbiche méphistophélique d'Ivan. Une autre image inoubliable est celle où le peuple réclame le retour du tsar qui avait abdiqué et s'était exilé à Alexandrov. Dans la plaine enneigée un long cortège composé de 45673 figurants vient implorer le tsar pour qu'il revienne sur sa décision . Le tsar s'incline alors devant la foule.
Une autre séquence mémorable est l'assassinat de la princesse Anastasia, l'épouse d'Ivan, par Efrossinia au moyen d'une coupe empoisonnée (en gros plan). Eisenstein, qui n'a jamais eu de petite amie, voulait-il ainsi, en chargeant le personnage d'Efrossinia, dénoncer sa propre mère qui l'avait condamné par son absence de tendresse à vivre seul ? Désigner pour l'histoire la mère castratrice qui avait « empoisonné » sa vie en lui enlevant la possibilité d'aimer ? Cette séquence est l'une des plus émouvantes du film. Ivan ne se remettra pas de la perte d'Anastasia. C' est le prélude à la seconde partie où le tsar exercera le pouvoir en étant de plus en plus isolé et plongera dans les ténèbres. « Voici un noble cœur qui se brise. Bonne nuit, doux prince ! »