En 2000, le cinéma sud-coréen n'exporte pas encore tout son talent, en dehors du continent asiatique. Pourtant JSA marque la première collaboration entre le réalisateur Park Chan-Wook et l'acteur Song Kang-ho, deux figures importantes d'un cinéma qui va mettre du temps à exploser à la face du monde, de par son excellence visuelle, narrative et artistique.
Deux soldats nord-coréens ont été assassinés par un soldat sud-coréen à la frontière. Pour démêler cette affaire et éviter une possible énième déclaration de guerre, les deux pays font appel à une commission de supervision neutre suisse et suédoise.
Ce cinéma aime le mélange des genres, le film ne se contente pas d'être juste un thriller ou un drame, il concilie les deux à merveilles, tout en offrant une réflexion sur une situation politique complexe entre les deux Corées, avec parfois une pointe de légèreté.
Dès le début, on connait le coupable. Mais ce n'est pas le plus important, c'est surtout de savoir, pour quelles raisons, il a tué ces deux hommes. Le major Sophie Jean (Lee-Yeong-ae) va devoir démêler cette affaire remplie d'incohérences. C'est par le biais de flashback, qu'on va pouvoir dénouer cette histoire et découvrir une vérité qui dérange.
Song Kang-ho est le seul rescapé de cette tuerie, il va se retrouver confronter à Lee Byung-hun. Deux acteurs talentueux face à face, le premier démontre déjà une présence, qui écrase un peu le reste du casting et surtout, son adversaire, en imposant son physique, alors que le second semble fragile et apeuré. On sent dans son regard qu'il porte un lourd secret, pendant que l'autre tente de masquer le fond de sa pensée à travers ses coups de sang. Deux hommes différents, servant chacun leur pays, avec une idéologie qui leur est propre et pourtant....
Le film se partage en trois parties, avec l'enquête qui rappelle des films comme Soldier's Story ou Basic, mais sa véritable influence, dont ces deux films en sont aussi les descendants, provient du classique d'Akira Kurosawa : Rashomon. Puis devient une comédie dramatique, avant de sombrer à nouveau dans le thriller, face à la réalité des faits et d'un conflit qui dure depuis 50 ans.
Park Chan-Wook n'est pas encore le talentueux réalisateur reconnu internationalement. JSA est réussi, de par sa construction et son intrigue, mais ne porte pas encore sa marque. Avec son énorme budget, il a surtout fait en sorte de mener à bien son film et vu les nombreux prix : Prix du jury, du public et du meilleur acteur pour Song Kang-ho au festival de Deauville et dans d'autres, il a réussi son entreprise, ce qui va lui permettre de laisser libre cours à son talent et sa folie visuelle, comme le démontre ses films suivants : Sympathy for Mister Vengeance et Old Boy. Il va d'ailleurs retrouver Song Kang-ho dans plusieurs de ses films, dont le premier cité plus haut, mais aussi : Lady Veangeance et Thirst. Un acteur qui va devenir le visage de ce cinéma sud-coréen et va retrouver son partenaire Lee Byung-hun dans Le bon, la brute et le cinglé.
Depuis la fin des années 90 et surtout à l'entrée des années 2000, le cinéma sud-coréen va devenir un des cinémas majeurs du 21ème siècle. Le récent Sea Fog est dans la continuité de sa qualité esthétique, même s'il est moins abouti que les précédents. Un cinéma qui jongle avec tout les genres, flirtant souvent avec l'horreur. JSA fait preuve de sobriété, ce qui le rend différent des autres qui vont suivre, prouvant aussi, que ce cinéma a tellement de qualités, qu'on attend toujours la prochaine oeuvre venant de corée du sud, comme le très réussi Hard Day.
Il aura fallu attendre 2005 pour que le film datant de 2000, soit projeté dans un festival en France. Pire encore, il n'est sorti en dvd qu'en 2009. Mais grâce à divers chef d'oeuvres : Old Boy, The Chaser, I Saw the Devil ou Memories of Murders, il a pris une ampleur, qui lui vaut de sortir régulièrement dans les salles françaises, pour mon plus grand plaisir.