Je la connaissais bien : toute la mélancolie du récit à venir semble encapsulée dans le titre, comme un avant-goût de la conclusion amère des aventures de la jeune et très jolie provinciale partie à la ville comme une alouette attirée par un miroir étincelant. Toujours ces promesses de vie meilleure et de confort matériel. Portrait d'une grande enfant déchue dont les rêves de célébrité, alimentés par l'attrait de l'activité urbaine et autres mondanités argentées, seront dans un premier temps malmenés, pour ensuite être littéralement broyés. En un certain sens, étant donné le titre, au vu de la beauté et de l'extrême candeur de sa protagoniste (interprétée par une Stefania Sandrelli d'un charme incroyable, tout aussi incroyable que le nombre de perruques qui défileront sur sa tête), on peut regretter un certain penchant programmatique qui trouve son apogée dans l'ultime séquence du film, au terme d'une chute qui aura glissé d'un sens figuré à une concrétisation on ne peut plus pragmatique et violente.


Mais ce qui frappe dans cette chronique, c'est aussi le portrait de la société italienne intensément machiste, amorcée d'emblée par ce long plan-séquence initial qui s'intéresse au corps de l'actrice en bikini sur la plage, jonchée de détritus. Tout un symbole. Son expérience au cœur de la ville, guidée par des déceptions incessantes, ne semble pas avoir raison de sa détermination, dans un premier temps : elle supporte toutes les compromissions, toutes les humiliations. Son désir de célébrité, proche du quart d'heure de gloire, la fera passer par différents stades, coiffeuse, manucure, ouvreuse, avant de rêver d'une carrière de star du côté du cinéma et de la photo. Mais son insouciance, sa gentillesse et sa légèreté n'en feront qu'une proie plus visible et donc plus menacée par les gros baratineurs lui promettant monts et merveilles, les impresarios qui lui feront multiplier les rencontres amoureuses dans l'espoir d'un nouveau rôle, sans réaliser qu'elle n'est constamment utilisée que pour son potentiel d'érotisation.


Elle finira ridiculisée en public, à l'issue d'une séance de casting dont on lui avait dissimulé le véritable dessein. Sa prise de conscience de la mystification dont elle a fait l'objet ne sera qu'un retour de bâton plus violent. Autour d'elle, une galerie de personnages secondaires dense, avec d'un côté les profiteurs, sans scrupules, et les laissés pour compte, parmi lesquels on retrouve Ugo Tognazzi (qui nous gratifie d’un numéro de claquettes jusqu'à l'épuisement) et Franco Nero (dans un rôle sobre et émouvant de mécanicien). Antonio Pietrangeli parvient à tirer une émotion intense du potentiel de son actrice, dans des moments de contemplation ou de vide, malgré l'absence de cohérence profonde — le film donnant l'impression de se résumer à une série de saynètes discontinues. Des images marquantes aussi, avec les larmes chargées de rimmel dans son appartement, immortalisant le personnage romantique de l'insatisfaite tragique face à une bien cruelle réalité.


http://je-mattarde.com/index.php?post/Je-la-connaissais-bien-de-Antonio-Pietrangeli-1965

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le 14 déc. 2020

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Morrinson

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