Je la connaissais bien... par Alligator
Mon premier Antiono Pietrangeli. Aussi étrange que cela puisse paraître, je n'avais jamais vu de film de cet auteur. Je crois même que sans ce cinemed 2014, je serais toujours ignorant du bonhomme.
L'Italie a rapidement besoin de se pencher sur son cinéma du passé pour le sauvegarder d'abord, puis de mieux mettre en valeur les œuvres de réalisateurs moins connus, comme cet Antonio Pietrangeli. Parce qu'il le mérite.
Voilà un bon film, peut-être pas le meilleur film de son époque (difficile d'exister face aux Risi, Germi, Fellini, Antonioni et consorts), m'enfin, ce n'est ni bête, ni laid, bien au contraire.
Ce qui peut un peu rebuter (et encore, je ne suis pas sûr de la justesse de ce terme) est l'éventuel sentiment de longueur sur deux ou trois scènes. Je m'interroge. Peut-être un montage un peu plus nerveux parfois aurait pu éviter cela. Subrepticement, j'ai senti une sorte de ralentissement pas très heureux, quand on a déjà compris où la séquence veut nous amener, Pietrangeli prend sans doute un temps démesuré.
Mais à sa décharge, sa tendance à la contemplation, cette patience mêlée d'envie et d'admiration est pour beaucoup dans le charme qui se dégage de cette chronique, douce, triste et sensuelle.
Au delà de cette image presque érotique, la douleur ou le pathétique de ce parcours de femme reste l'axe principal du film. Nous devons cette heureuse composition à une triade de scénaristes, mais bien entendu le nom d'Ettore Scola est le plus clinquant.
Au générique on est également épaté par la superbe distribution. Un rêve : Stefania Sandrelli, Nino Manfredi, Jean-Claude Brialy, Mario Adorf, Enrico Maria Salerno, Franco Nero, Franco Fabrizi ou Ugo Tognazzi. Elle promet tant !
Surtout, le film se révèle être un écrin formidable pour sublimer la beauté de Stefania Sandrelli, plus incroyable que jamais, de cette grâce, de cette féminité émouvante, qui m'embue les lunettes. À la fois fragile, courageuse, très sensuelle, elle est l'archétype de la jeune femme pleine de rêves encore enfantins, de cet espoir de vie, mort-de-faim pour les joies à venir.
Pietrangeli étudie ici ce papillon, son aveuglement, son obsession encore un peu infantile, qui se referme sur elle comme un piège. Le fantasme létal des jeunes filles en fleur à cette époque comme aujourd'hui se révèle d'une grande cruauté. Cela lui fait perdre de belles occasions de vie, la vraie, qui ne manquent pas, mais finissent par devenir invisibles.
On a parlé, paraît-il, de Pietrangeli -et pour ce film entre autres- comme d'un précurseur d'un cinéma féministe. On est en 1965, la place des femmes en Italie comme ailleurs n'est pas des plus heureuses. Il est vrai que le regard amoureux, chargé de libido de la caméra instaure un féminisme peut-être masculin au fond? Il est réel, sincère. Mais il est aussi un élan, le fruit d'un désir mal défini, esthétique et érotisé, ce qui pour certains ne peut se mêler au féminisme disons "premier". Injuste.
Oui, ce film très proche du visage de cette belle femme un peu naïve est touchant, mais en profondeur. Cette caméra tendue vers le moindre frémissement de cette femme confrontée à une Italie en pleine croissance et donc aussi en pleine mutation, où elle trouve difficilement sa place entre la jeune fille, la mère ou la catin célibataire, cette proximité avec le personnage affreusement seul recèle une émotion que je n'espérais pas aussi vive.
Du coup, j'ai décidé d'aller voir ensuite un autre film de Antonio Pietrangeli, "La fille de Parme" qui passe aussi lors de cette rétrospective et qui évoque également les affres que fait subir un monde brutal à une jeune femme, un monde où il est presque impossible de se faire une place sans abandonner une partie de sa liberté... de femme.