L'épopée de Ridley Scott sur les Croisades n'avait pas fait l'unanimité à sa sortie, sans être un fiasco ni tout à fait une réussite. Quand on sait que la version originelle du film dure 3h et que cette version ciné dure "seulement" 2h25, il y a de quoi enrager... En effet, Kingdom of Heaven (du moins celui sorti au cinéma) n'est pas le film de Ridley Scott. Les coupes qu'a demandé la 20th Century Fox pour lester le film et en faire un blockbuster d'action ont également privé le métrage de scènes importantes qui offraient une plus grande cohésion à l'histoire tout en en garantissant le spectacle.
On ne comprend donc pas pourquoi notre jeune héros Balian (joué par un Orlando Bloom à côté de la plaque et malheureusement une belle erreur de casting) possède des dons de stratège innés lors des quelques magnifiques batailles alors qu'il sort d'un trou perdu de France où il était forgeron ni ses réelles motivations tout au long de cette histoire au montage peu lisible, comme si tout semblait précipité. La version director's cut, avec ses 45 minutes supplémentaires et son nouveau montage, s'avère être bien meilleure, changeant radicalement le long-métrage en l'état.
Toutefois, Kingdom of Heaven n'en est pas pour autant un chef-d'œuvre, loin de là. Il y a certes un casting quatre étoiles (Jeremy Irons, Eva Green et David Thewlis contrastent avec un Martin Csokas à la limite de la parodie, un Brendan Gleeson comme d'ordinaire bourru et de trop nombreux personnages peu ou prou travaillés), de magnifiques décors, une sublime musique signée Harry Gregson-Williams et d'impressionnantes scènes de batailles propres à Ridley Scott, qui avait déjà fait ses preuves dans ce domaine avec le grandiose Gladiator cinq ans plus tôt.
Mais autour de personnages trop lisses et d'un scénario confus (dans sa version ciné), il existe également un traitement plutôt grossier de la religion, une iconisation presque enfantine de héros hollywoodiens — romance cul-cul et dispensable à l'appui — et des pans entiers d'action concrètement mal torchés. Au final, cette version charcutée par des coupes commerciales aberrantes reste une œuvre hybride, un divertissement correct mené par un Ridley Scott efficace sur la technique mais un peu trop rationaliste quant à sa vision des Croisades.