Créé par Francis Veber en 1971 pour la pièce Le Contrat, le personnage de François Pignon aura depuis traversé les époques et les modes mais c'est sous les traits de Jacques Brel, dans l'adaptation de cette pièce en question, qu'il trouvera sa place pour la première fois au cinéma.
Mis en scène par Édouard Molinaro et adapté par Veber, L'Emmerdeur met en scène un duo comme ce dernier les aime, c'est-à-dire mal assorti et avec des personnalités opposées. Ici, il mêle thriller et comédie en mettant un Jacques Brel suicidaire dans les pieds d'un Lino Ventura froid et assassin et dans l'ensemble ça marche plutôt bien, notamment grâce aux interprètes mais aussi un Veber qui ne manque pas de bonnes idées.
La réalisation en elle-même est assez simple et Molinaro fait surtout confiance aux textes et à ses acteurs et c'est vraiment grâce à un Brel aussi gaffeur et emmerdeur qu'émouvant et un Ventura pressé et glacial que L'Emmerdeur trouve son salut. Le duo marche à merveille et porte clairement le film sur ses épaules, tandis que les seconds rôles, bien que peu présents, apportent aussi un petit plus. Le point de départ est aussi improbable qu'intéressant tandis qu'à partir de là, Veber enchaine les situations rocambolesques mais souvent savoureuses, tout comme les dialogues, à l'image du passage chez le médecin ou des premières intrusions de Ventura dans la chambre de Brel.
Alors, il y a bien évidemment quelques situations qui marchent moins bien, mais rien qui n'empêche de regarder L'Emmerdeur avec plaisir, mais aussi d'admirer Brel une dernière fois au cinéma, lui qui apprendra un an plus tard qu'il est atteint d'un cancer. À noter aussi que Billy Wilder s'est attaqué à un remake de ce film en 1981 avec Buddy Buddy, oeuvre très décevante et qu'il tentera d'oublier par la suite. Bref, dans les films mettant en scène le personnage de F. Pignon, c'est à mes yeux le meilleur et idem pour l'interprète.
Si L'Emmerdeur se révèle être une sympathique et réussie comédie, elle peut surtout remercier un Veber inspiré à l'écriture (personnages, dialogues, situations etc) et surtout un excellent duo composé d'un Lino Ventura d'une extrême froideur et d'un Jacques Brel aussi gaffeur qu'émouvant.