(1971. FR: L'étrange vice de Madame Wardh. ITA : Lo Strano Vizio Della Signora Wardh.
Vu en VOST, merci à la cinémathèque du Bis '!)
Mr. et Mme. Wardh (Alberto De Mendoza et Edwige Fenech), couple qui semble usé, se rendent à Vienne pour les affaires, financières, de monsieur. Une ville où depuis quelques temps un tueur en série s'attaque à coup de rasoir à des femmes aux mœurs légères… Alors que Julia Wardh retrouve un ancien amant, Jean (Ivan Rassimov), et s'en trouve un nouveau, George (George Hilton), le tueur semble s'intéresser de très prés à elle…
Évaluer ce premier Giallo de Sergio Martino n'est pas un exercice facile, tant ce film regorge de qualités, mais également de « défauts »... Un manque de rythme criant, des personnages et dialogues convenus, un dénouement malin mais mal amené, des scènes dénudées souvent gratuites… Et pourtant, bien que sa démarche soit alambiquée, Sergio parvient à créer ici un petit bijou ! Quand on sait qu'il s'agit seulement de son deuxième film, on se dit que sa carrière aurait pu être tout autre tant il maîtrise son sujet. Ses quelques films que j'ai vu m'ont d'ailleurs toujours plu malgré une qualité fluctuante (Torso, L'Accusé, Rue De La Violence, La Queue Du Scorpion).
Ce qui fait la force de cet Étrange Vice…, c'est d'abord son atmosphère, sa tension. Les scènes du parking, admirable, et du parc, (qui fait penser à une autre superbe scène de Quatre Mouches De Velours Gris (1972) de Dario Argento) sont particulièrement réussies. Martino multiplie aussi à merveille les tableaux, telle la séquence de la baignoire et son souvenir en fin de métrage. Une esthétique qui se retrouve dans les séquences oniriques toutes plus réussies les unes que les autres : belles et gênantes, sombres et choquantes, troubles et ambiguës. Bref, si le fond de l’œuvre me paraît si moyen, c'est aussi parce que la forme prend allègrement le dessus. On pourra ainsi facilement oublier l'histoire du film, mais il sera bien difficile de ne pas garder en mémoire certaines séquences.
L'autre qualité de ce Giallo est évidemment son interprète principale, non pas que Edwige Fenech soit une grande actrice, mais elle est ici sublimée par le travail de Martino. Sa caméra obnubilée par sa muse, la suit et la poursuit dans tous les coins et recoins de son âme, de son corps. Elle est tour à tour le visage de la peur, la femme-objet, l'ange vengeur. Manipulée, dans tous les sens du terme, frappée, gazée, notre petite française en voit de toutes les couleurs. Et nous aussi, le pouvoir érotique du film reposant essentiellement sur ses frêles épaules...et sur d'autres parties de son anatomie ! Il convient d'ailleurs de noter qu'elle était alors la femme de Luciano Martino, frère de Sergio et producteur du film. Un peu pervers quand même ce Luciano, qui ne semblait pas du tout gêné de montrer sa femme dans tous ses états, et ce dans de nombreux autres films, Gialli et comédies érotiques, qu'il produisit !
Outre notre chère Edwige, le casting est de qualité, composé d'acteurs fétiches de Martino comme la trop rare Cristina Airoldi (Torso), Carlo Alighiero (L'Accusé, Le Chat A Neuf Queues…) ou Alberto De Mendoza (La Folie Des Grandeurs, La Queue Du Scorpion). George Hilton (Le Temps Du Massacre, Chacun Pour Soi…), après avoir écumé les tournages de western, est ici en pleine période Giallo. (Pour l'anecdote, dans le documentaire Rouge Western disponible sur le DVD Artus de Matalo, George nous explique qu'il détestait les westerns et ses tournages inconfortables !) A noter aussi la participation de Bruno Corazzari (https://www.senscritique.com/liste/Mes_acteurs_fetiches_Vol_21_Bruno_Corazzari/2885558), gueule incontournable du cinéma de genre italien.
Enfin, signalons ici la performance d'Ivan « le terrible » Rassimov, parfait en amant sadique et machiavélique. Son faciès, à la fois séduisant et inquiétant, lui offrira une pelletée de rôles de méchants dans des films italiens de tous les genres, du western à l'horreur, en passant par le macaroni combat, le poliziottesco et le Giallo ! Pour les amoureux du Bis à l'italienne !
Si L'Etrange Vice… atteint parfois de jolis sommets, c'est aussi grâce à l'excellente B.O. de Nora Orlandi (Le Jour De La Haine, Johnny Yuma, Doppia Faccia …). Sa musique enveloppe et habille le film, tantôt légère genre musique d’ascenseur, tantôt profonde et psychédélique. Elle éclaire et relève bien souvent une intrigue qui a parfois tendance à s'essouffler. (Le morceau Dies Irae fut d'ailleurs utilisé dans d'autres films comme Kill Bill.2.)
La B.O. De Nora Orlandi : https://www.youtube.com/watch?v=DMhhfJY3dzA