L'Homme qui Venait d'Ailleurs n'est peut-être pour certains qu'un obscur film de SF des années 70 vaguement culte qui a la particularité d'avoir David Bowie dans un de ses rôles les plus connus (avec Labyrinth et Furyo), pour ma part ça fait trois ans que je désire voir ce film qui a une certaine réputation pour être un OVNI total (mon affection pour les films étranges n'est plus à prouver), qui était jusqu'à présent introuvable en DVD (en attendant une réédition chez Potemkine qui ne saurait tarder) mais qu'un distributeur a eu le bon goût de ressortir au cinéma.
De façon générale, Nicolas Roeg, cinéaste plutôt sous-estimé, est connu pour faire des films énigmatiques, aux ambiances soigneusement étranges et au montage expérimental, ce qui peut être aussi fascinant que déroutant (d'où les notes souvent partagées sur Sens Critique et IMDB), voire les deux en même temps ; dans L'Homme qui Venait d'Ailleurs, il y a beaucoup de détails mystérieux (l'homme qui semble surveiller l'arrivée sur Terre du personnage de Bowie au début du film, qu'on ne reverra pas par la suite), une mise en scène particulière qui donne souvent lieu à des images au rapport peu clair avec la scène d'avant, une bande-son travaillée et plutôt réussie (même si elle n'a pas été composée par Bowie), mais dont certaines musiques sont en décalage complet avec les images qu'on a sous les yeux, et surtout une narration complètement hallucinée (sans pour autant être réellement qualifiable de non linéaire), qui fait parfois appel à des flashbacks ou flashforwards et dont certaines directions suivies déroutent, parfois sans qu'on sache trop si on à affaire à des visions extralucides du personnage de Bowie (qui semble avoir certaines capacités sensorielles surnaturelles, dont la faculté de pouvoir suivre plusieurs postes de télévision en même temps), ou alors seulement au produit de son imagination, car l'alcool, qui n'a pas le même effet sur lui que sur un être humain, semble lui donner des hallucinations (à ce niveau là, on peut d'ailleurs dresser un parallèle avec Bowie qui carburait à 10 grammes de cocaïne par jour à ce qu'il paraît).
Au bout du compte, on a affaire à un film déroutant, qui distille ses indices avec une économie toute mesurée et n'apporte pas toutes les réponses une fois le générique de fin arrivé, histoire de laisser un peu l'imagination du spectateur travailler. Le rythme relativement lent est critiqué par certains, pour ma part ça ne m'a pas trop dérangé, d'autant que ça colle bien avec le côté intriguant du film (même si certaines scènes parallèles concernant des personnages secondaires ne m'ont pas parues indispensables).
Le propos du film, parfois difficile à cerner dans son ensemble, tourne pour bonne partie autour des dérives de la célébrité, qui entre en conflit avec la notion d'identité, et du mode de vie américain - d'où la pertinence de choisir une superstar britannique (l'extraterrestre possède d'ailleurs un passeport anglais), qui en plus se crée de multiples identités pour la scène (impossible de ne pas faire le parallèle avec Ziggy Stardust). Télévision, alcool, sexe sont très présents et ont une influence néfaste : une scène montre l'extraterrestre comme lobotomisé par ses multiples télévisions et certaines des scènes d'amour sont tournées en ridicule (surtout celle avec le pistolet chargé à blanc), là où Don't Look Now, le film précédent du réalisateur, avait une scène d'amour très belle et assez pudique. Quelque part, on pourrait se demander si une interprétation comme quoi toutes les scènes avec les origines extraterrestres du personnage principal n'appartiendraient qu'à son imagination serait valable, car en enlevant les aspects science-fictionnels de l'intrigue (qui ont par ailleurs une présence assez réduite), on a principalement affaire à un film sur l'aliénation.
Au bout du compte, on a affaire à un film assez hétérogène, à l'image des yeux dépareillés de son acteur ; qui laisse parfois un peu perplexe, et auquel il manque quelque chose pour être un vrai chef-d'oeuvre, mais qui n'en vaut pas moins le détour ; par ailleurs ça ne m'étonnerait pas que Jonathan Glazer se soit inspiré de certains aspects pour son Under the Skin. En tout cas, c'est vraiment surprenant que le scénario est adapté d'un livre car on jurerait qu'il a été écrit pour Bowie, dont la présence dans ce film ne se résume pas à un vulgaire statut de faire-valoir. A noter que c'est de ce film que sont tirées les pochettes des albums Station to Station et Low.