« Is there a real hope to be found in the silence ? »
Second Festival du Film de SensCritique, 1/16
Faux documentaire, The War Game un projet très percutant qui prend pour parti de donner à voir ce que serait une attaque nucléaire sur l’Angleterre. A une époque où les images de dévastation nucléaire ne sont pas le lot commun des blockbusters qui s’attachent plutôt à l’histoire ancienne, l’idée de mettre en scène les images réalistes de cette menace permanente est brillante.
Le futur hypothétique qui se dessine est d’autant plus effrayant qu’il se nourrit de toutes les données issues d’un passé récent, que ce soit les bombardements intensifs de Dresde ou ceux d’Hiroshima et de Nagasaki. Ce va et vient entre les horreurs du conflit précédent et l’étendue de celle potentiellement à venir est une charge extraordinaire de pessimisme sur l’état du monde.
La construction du film achève cette démonstration : tantôt pure fiction, elle scénarise heure par heure et jour après jours le scenario catastrophe, dans un rendu journalistique et documentaire confondant de vérité. Rigoureux, exhaustif, le récit s’attarde aussi l’après et la vie des survivants, étalant dans la durée l’horreur et ses conséquences avant cette conclusion terrible : « Would the survivors envy the dead ? »
La voix off, clinique, didactique, est pour beaucoup dans l’efficacité du propos, ponctuant des images de dévastation par « This is a nuclear war », « This is a firestorm » ; et surenchérit par la lecture de documents administratifs qui montrent à quel point les mesures prises sont dérisoires face à l’ampleur des dégâts attendus, ou, pire encore, la position de l’Eglise qui explique comment vivre avec l’acceptation de cette horreur.
Il s’agit bien, et la thèse finale l’explicite, de frapper les consciences en mettant des images sur les mots : personne ne sait véritablement ce qu’est la bombe, mais tout le monde en parle.
En cela, le choix des témoignages est capital : montrer la doxa et le désir de revanche du peuple anglais est d’une rare pertinence, même si l’on aimerait savoir si ces interviews sont réelles ou non. Sur ce sujet, on pourra regretter l’excès de reconstitution lors des fausses réponses de certains acteurs, notamment celles des enfants qui expliquent qu’ils n’ont aucun projet pour leur avenir, surenchère dans le pathétique qui n’était pas utile à ce stade de la démonstration.
Film choc, à contextualiser pour prendre la mesure de son impact, mais aussi à prendre comme exemple de l’efficacité du réalisme au service de la dénonciation, et de la propension du cinéma à proposer autre chose qu’une imagerie baroque, épique et jouissive de la guerre.
Concernant la terrible réalité des bombardements, notamment sur l’Allemagne par les anglais, je vous invite à lire le formidable (et très court) livre de Mike Davis, Dead Cities.