« Death within three minutes »
La BBC avait commandé à Peter Watkins un film de prévention en cas de conflit nucléaire : mais The War Game, c’est le premier faux documentaire de l’histoire à imaginer et mettre en scène une déflagration nucléaire au-dessus du Royaume-Uni ... un réquisitoire si violent que la BBC le censurera pendant 20 ans.
Mais il ne faut pas s’y tromper : The War Game, ce n’est pas seulement de la dénonce’, c’est également un vrai film bien scripté et bien bâti. Il s’ouvre comme un doc’ quelconque et innocent, juste pour montrer l’ignorance des populations en matière de risque nucléaire, et pour souligner la faiblesse des campagnes gouvernementales. C’est l’époque où on vous annonce qu’entasser trois sacs de sable dans votre cuisine vous protégera contre une ogive nucléaire de plusieurs mégatonnes ...
... et puis, au détour d’une tournée du médecin de quartier, Peter Watkins fait tout basculer : les Russes ont envoyé un missile nucléaire sur l’Angleterre, 30 secondes de panique avant impact. La brutalité du choc, l’effroi qui saisit les populations, l’impréparation totale avant et après l’explosion, tout cela est martelé dans The War Game.
Peter Watkins est un cinéaste franchement engagé : il veut prouver qu’après un choc nucléaire, la Grande-Bretagne tombera plus ou moins rapidement dans le chaos social ... et le gouvernement devra virer à la dictature pour maintenir un semblant d’ordre dans le pays. Les flics seront les seuls à être encore nourris, et des civils en loques mettront à sac des camions de l’armée pour leur faire la peau. C’est le côté farouchement militant de The War Game : un volet pas vraiment consensuel, mais voilà la signature de Peter Watkins.
La séquence la plus forte de ce faux-docu’ saisissant, finalement, c’est peut-être ce micro-trottoir inséré par Watkins au plein milieu de sa simulation d’une déflagration nucléaire : alors que le spectateur commence à saisir toute l’horreur d’une guerre nucléaire, il doit encore entendre ces braves ménagères britanniques qui déclarent que oui, les représailles nucléaires sont indispensables. Si les Russes carbonisent deux millions de Britanniques, alors il faut faire de même chez les Popov.
Tourné en 1965, ce documentaire a vingt ans d’avance sur la réflexion d’Ulrich Beck, le fondateur du concept de société du risque. Epoustouflant.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Vus ou revus en 2013