Fincher, fais-moi plaisir, dis-moi que c’est une parodie !
Vu étant gosse, ce film m’avait laissé le souvenir d’une immense claque, avec un parfum délicieux d’ultra-violence et de subversion contre le système. Revu hier, ce film me laisse quelque part à mi-chemin entre le bâillement et la moquerie...
Malgré l’impression de gros ratage qu’il me laisse en bouche, je veux croire que Fight Club peut avoir du potentiel si on l’interprète dans le bon sens ... bien que ce soit peu probable. Alors voici 3 lectures qu’on peut en tirer (avec les probabilités correspondantes).
1. « On y croit ! » [Proba : 30 %]. David Fincher fait un film anti-capitaliste et il y croit ! Deux ans après The Game, dans lequel il critiquait déjà les existences mornes et friquées, le voilà qui revient plus déterminé que jamais à nous prouver que ce système, c’est le mal ! Tyler Durden incarne la partie rebelle qui sommeille en chacun de nous, endormie par le consumérisme et qui, si elle se réveille, peut tout détruire. En plus il a un blouson rouge, c'est trop un signe !
Inconvénients de cette lecture : non seulement la fin ne colle pas, mais en plus le film manque clairement de mordant (malgré une esthétique assez géniale).
2. « Money-makin’ machine » [Proba : 50 %]. A Hollywood, on est prêt à tout pour se faire des thunes, même à produire des scénar’ qui critiquent Hollywood ... à condition que la critique reste sobre. Bref, on est dans la révolution aseptisée : d’accord pour placer un personnage ultra-destructeur et cynique, mais à condition qu’il soit tenu par le beau Brad Pitt bien bankable. Et on rajoute une fin en forme de faux mindfuck, pour faire croire que l’intrigue était fouillée (si tu es nous, alors je suis toi !).
Bilan : on surfe sur la subversion pour se faire des sous ... et on prend le spectateur pour un abruti, également. La deuxième partie du film, sur le Mayhem project, montre clairement qu’on a jeté le scénariste par la fenêtre et qu’on recadre le film vers une fin bien convenue.
3. « Je suis la rébellion fantasmée de Jack. » [Proba : 20 %]. David Fincher brise les codes et nous montre qu’une fois dans le système, on ne peut plus faire la révolution : Fight Club fait partie du décor, au même titre que les meubles Ikea. L’histoire, c’est un marchand de savon qui fait sa révolution en pissant dans une bassine d’huîtres (et dans le rôle du révolutionnaire, on a même pris Brad Pitt, le pur produit d'Hollywood dans les années 1990 !). Le personnage central, Edward Norton, c’est un type tellement asservi par le système qu’il n’a plus le courage d’aller au bout de sa petite révolution, il est pris d'une crise de panique en plein milieu.
Bref, on est dans la parodie totale ... et incroyablement cynique ! dans Fight Club, on veut changer le monde en s’envoyant dans le décor en voiture, mais on attache d’abord sa ceinture. Et tout se termine par une image subliminale assez explicite, façon pied-de-nez au spectateur qui prendrait le film au premier degré : « vas-y, achète-moi en DVD, t’auras l’air d’un rebelle ! »
En poussant l’interprétation plus loin (avec l’aide de quelques champis hallucinogènes...), Fight Club ressemble à un testament de Fincher le cinéaste indépendant : après ce film, il sera obligé par les studios de tourner une fiction bien mainstream, Panic Room.
Fincher, si tu as vraiment tenté la troisième hypothèse dans ce film, tu as mon respect. Mais il y a davantage de proba que ton film soit dans la deuxième catégorie, auquel cas ... c’est une bouse.
Allez, 5/10, on t'accorde le bénéfice du doute.